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« Prévert » – Éternel hommage musical

Jusqu’au 10 février au Théâtre du Rond-Point, puis pour quelques dates, en tournée, Jacques Prévert est ramené à la vie par Yolande Moreau et Christian Olivier. Un spectacle musical envoûtant où les mots du poète résonnent sur scène entre humour, mélancolie et engagement.

L’esprit de Jacques Prévert plane sur la scène du Théâtre du Rond-Point. Le chanteur Christian Olivier échappé des Têtes raides et de la musique, la comédienne Yolande Moreau des Deschiens et du cinéma ont créé et interprété ce spectacle musical. Accompagnés par trois musiciens, Serge Begout à la guitare, Pierre Payan alternant clavier, cuivres et bruitages et Scott Taylor jouant de l’accordéon et des percussions. Chacun à leur tour, ils deviennent ombre au piano pour soutenir les mots du poète.

Ce n’est ni une pièce de théâtre, ni une lecture poétique, ni un concert mais un instant unique où valse les mots, les sons et les lumières sur un plateau noir. Tout de noir vêtu justement, «  Son chapeau sur sa tête  » (comme dans «  Déjeuner du matin  », Paroles), le corps longiligne de Christian Olivier se confronte avec grâce à celui plus maternel de Yolande Moreau. La voix plus aiguë de l’actrice rencontre les tonalités graves du chanteur. Il n’en fallait pas plus pour que la magie opère instantanément et fasse revenir l’écrivain de l’au-delà.

©Giovanni CITTADINI CESI

Jacques, le multiple 

Une table basse à Cour, une autre à Jardin , des clochettes d’écoliers et des feuilles suffisent à la mise en scène. Les textes sortent de leur bouche, en solo, en duo, chantés, interprétés, joués, récités, assis, debout ou dansés. Aucune règle ne semble régir le spectacle et pourtant les deux artistes ont dû le penser à la note près. Le langage de Prévert s’échappe de leurs corps, une parole à la fois acerbe et tendre, léger puis engagé, drôle et émouvante, grave et surréaliste. Ils parviennent à montrer sur scène toutes les facettes de l’artiste. Le grand Jacques antimilitariste et anticléricaliste de Souvenirs de famille ,  Étranges étrangers ou  Pater Noster , le frère Jacques amusant de «  Frontières  » («  Votre nom ? – Nancy. – D’où venez-vous ? – Caroline. – Où allez-vous ? – Florence. – Passez.  ») mais aussi des Belles familles énumérant les Louis de France. Et pour finir, le Jacques Prévert plus lyrique, connu de tous, celui des Feuilles mortes entonnées avec tristesse et tendresse par le duo ou de  Je suis comme je suis  où loin de l’interprétation de Juliette Gréco, Yolande Moreau semble redevenir la célèbre Fréhel qu’elle incarnait déjà dans le film Gainsbourg (Vie héroïque) de Joann Sfar.

©Giovanni CITTADINI CESI

L’inventaire des textes souligne la liberté du poète dont les paroles engagées résonnent encore aujourd’hui et nous rappellent l’importance de cet homme sur la littérature française et dans nos cœurs. Envoûtés par les deux interprètes, les spectateurs verront le rideau se fermer sur ces simples mots comme un dernier au revoir, un dernier hommage à l’artiste disparu qui ne cessera de nous hanter : «  Compagnons des mauvais jours. Je vous souhaite une bonne nuit…Dormez. Rêvez. Moi je m’en vais. »

Prévert, un spectacle musical de et avec Yolande Moreau et Christian Olivier. Au Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 10 février. Informations pratiques et réservations ici.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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