CINÉMA

« L’Homme fidèle » – Le charme discret du mariage à trois

Après Les Deux amis, Louis Garrel rejoue le triangle amoureux. Problème universel pour l’ensemble des spectateurs, le voilà partagé entre Laetitia Casta et Lily-Rose Depp. Un élégant et précieux marivaudage pour un beau cinéaste, encore sous influences.

Abel et Marianne sont en couple depuis trois ans. Brusquement, elle rompt avec lui pour partir avec Paul, un jeune homme plus mature et accessoirement meilleur ami d’Abel. Dix ans plus tard, Paul meurt tout aussi soudainement. Un homme sur qui on peut difficilement compter, en somme. À son enterrement, Abel, venu « récupérer son dû » retrouve Marianne, toujours aussi belle qu’énigmatique. Quelques regards perdus pourraient laisser augurer une nouvelle idylle évidente, mais celle-ci sera compliquée par l’apparition dans le tableau familial de Joseph et d’Eve, respectivement fils de Marianne et sœur cadette de Paul.

Eve aime Abel depuis sa plus tendre enfance, c’est à dire avant-hier. Raconté ainsi,  le spectateur potentiel croit présager un  Jeu de l’amour et du hasard visité par Les feux de l’amour ou toute production de chaîne privée de début d’après-midi. À l’image, le cinéma de Louis Garrel ressemble plus à des Liaisons dangereuses soft, ou à du Truffaut cocasse. Le père de cette histoire très nouvelle vague, co-créée avec Jean Claude Carrière, réussit à distiller mystère et subtilité, malgré quelques longueurs, surprenantes au vue de la courte durée (1h15).

Les Caprices de Marianne (et d’Ève)

Sans effets techniques mais avec un texte fort et une mise en scène sobre, l’acteur de Christophe Honoré s’inspire pour mieux surprendre. Ainsi, le film est traversé, de plans du quartier latin désert en plans d’un quinzième arrondissement encore plus désert, par cette question intemporelle qui est celle de la filiation. Souhaitée ou accidentelle, la transmission traverse le travail de Garrel fils. N’échappant pas à un type de cinéma en forme d’héritage naturel, le cinéaste s’en empare afin de le tordre, de le mouler dans une atmosphère inquiétante.
Après la réalisation d’une première oeuvre, virevoltante et débridée, en forme de coup de pied dans la porte du cinéma de français, il s’assagit, prend son temps, et partage celui des autres. Son personnage, Abel échappe à l’écriture lisse et paresseuse que pourrait promettre son emploi d’héros romantique transi. Comme dans Les Deux amis, Abel voit son destin amoureux malmené par les questionnements intérieurs des autres personnages. S’affranchissant depuis quelques années désormais de cette image de belle tête boudeuse bien que toujours objet fantasmatique des femmes de tout âge,  Louis Garrel aime s’écorner, se blesser, se négliger. Pour preuve, la scène inaugurale du film, scène a priori classique de rupture, devenant ici une délicieuse et superbe partition de poésie comico-mélancolique.

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