SOCIÉTÉ

Quelles réponses pour résoudre la crise des « gilets jaunes » ?

Lundi 10 décembre, Emmanuel Macron s’est exprimé à la télévision pour tenter d’apporter des réponses à la colère des gilets jaunes et à leurs nombreuses revendications.

L’allocution du président de la République a duré environ treize minutes, et a été vue par 21 millions de téléspectateurs. Si beaucoup se sont attardés sur la barbe mal rasée du Président, les avis divergent quant au fond et à la forme des mesures proposées.

« Un retour vers le futur  »

 « Le salaire d’un travailleur au SMIC augmentera de cent euros par mois dès 2019 », une proposition surprenante car la ministre du travail Muriel Pénicaud avait assuré le matin même que le SMIC ne bénéficierait pas de coup de pouce supplémentaire. Emmanuel Macron a également précisé que cette hausse ne serait pas supportée par les employeurs. Cependant la hausse promise par le président n’est en réalité qu’une augmentation de la prime d’activité, et pas une augmentation du salaire brut. Seuls les travailleurs qui profitent déjà d’une prime d’activité verront celle-ci augmenter. Tous les « smicards » ne verront donc pas leur salaire augmenter.

Ensuite, Emmanuel Macron promet des heures supplémentaires défiscalisées dès 2019. Ces heures en question devaient déjà bénéficier d’une exonération de cotisations sociales à partir du mois de septembre 2019. Cette mesure avait déjà été mise en place par Nicolas Sarkozy en 2007 (le fameux “travailler plus pour gagner plus“) et avait été supprimée par François Hollande. Emmanuel Macron se contente alors de remettre en place une solution déjà éprouvée.

Lors de son discours, Emmanuel Macron a aussi demandé « à tous les employeurs qui le peuvent de verser une prime de fin d’année à leurs salariés ». Si cette prime ne sera pas soumise aux cotisations sociales et ne sera pas imposable, elle sera exceptionnelle, ce qui signifie qu’elle ne sera pas versée les années suivantes. De plus, les fonctionnaires n’en bénéficieront pas. Une proposition de sortie de crise en demi-teinte  : la crise touche les employés comme les employeurs, et certaines entreprises ne peuvent pas distribuer une prime de fin d’année, faute de moyens financiers.

Enfin, le président de la République a annoncé que la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sera annulée pour les retraités les plus modestes. C’est encore un des points sur lequel le gouvernement disait ne pas vouloir revenir. La hausse de la CSG sur les pensions de retraite, passée de 6,6 % à 8,3 % au 1er janvier 2018, avait provoqué la colère des citoyens et est un des revendications des gilets jaunes. Cette dernière sera donc annulée pour les retraites de moins de 2000 euros. Seulement, la mesure ne concerne qu’un retraité célibataire. Autrement dit, les retraités mariés et qui touchent chacun moins de 2000 euros ne seront pas concernés par cette annonce.

Un discours et des mesures qui sont loin de faire l’unanimité dans la classe politique. Cette série de mesures sociales ont été saluées comme une « avancée » par certains protestataires tandis que d’autres les jugeaient insuffisantes pour arrêter la mobilisation et sortir de la crise.

Ses opposants politiques peu convaincus dans l’ensemble

A commencer par La France Insoumise. Pour Jean-Luc Mélenchon, «  le président s’est trompé d’époque » et les paroles prononcées sont vaines. Il a soutenu un « acte V » dans la mobilisation des gilets jaunes. Le député LFI Eric Coquerel met l’accent sur le financement de toutes ces mesures annoncées : « elles seront payées par les contribuables et les assurés sociaux ».

En effet, peu de temps après le discours de Macron, Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin, a annoncé que ces mesures allaient coûter entre huit et dix milliards d’euros.

Le leader de Génération.s Benoît Hamon considère lui que les plus riches, les grands actionnaires, les entreprises polluantes et les banques françaises sont passés entre les gouttes. Dans un de ses tweets, il parle des jeunes comme étant les grands oubliés de ce discours : « rien dans cette intervention pour la jeunesse qui se bat pour la qualité des études, l’égalité à l’entrée de l’université et contre les violences policières ».

Pour Olivier Faure, « le cap n’est pas modifié ». L’exercice qu’a effectué le président de la République n’est pas de nature à répondre aux attentes des gilets jaunes, selon lui. Avis partagés par Marine Le Pen et Sébastien Chenu, le porte-parole du RN : « il prend quelques mesures au coup par coup pour essayer de calmer la colère mais ne change pas de cap ».

Seuls une partie des Républicains voient en cette allocution une « victoire ». C’est le cas de Guillaume Peltier, le vice-président du parti, qui salue « un premier pas pour les classes moyennes ».

Des réactions explosives et des gilets jaunes divisés

Les réactions dans le mouvement ont été aussi vives que nombreuses  : entre les internautes contestataires qui critiquent le fond, ceux qui attaquent la forme et les plus modérés qui souhaitent voir la mobilisation s’arrêter.

C’est le cas de Jacline Mouraud, la porte-parole des « gilets jaunes libres », un collectif jugé plus modéré. Elle a appelé à une « trêve » car «  il y a des avancées, une porte ouverte ». Selon elle, il faut sortir de la crise car on ne peut pas passer le reste de notre vie sur des ronds points. Mais pour d’autres, il n’est pas question de se retirer. Les gilets jaunes réclament encore et toujours le référendum d’initiative citoyenne (RIC) permettant de destituer le Président de la République. Les mesures promises sont au mieux insuffisantes, au pire indécentes pour la majorité des internautes gilets jaunes.

Les gilets jaunes sont aussi peu convaincus sur la forme. L’incompréhension se porte sur le fait que le chef de l’État ait enregistré son intervention. L’enregistrement est perçu comme un mépris certain et ne fait qu’amplifier la colère à l’égard d’Emmanuel Macron. En somme, les gestes sont insuffisants et incomplets pour stopper la lutte. Beaucoup d’entre eux ont appelé à un « acte V », et selon Eric Drouet, porte-voix du mouvement, «  il ne faut pas lâcher ».

Vers la fin du mouvement des gilets jaunes ?

L’enjeu pour Emmanuel Macron était de convaincre ceux qui soutenaient massivement le mouvement et qui avaient créé l’inquiétude du chef de l’État. Selon les sondages, c’est une victoire en demi-teinte. Après son allocution, 66 % des Français soutiennent le mouvement des gilets jaunes. Mais dans le même temps, 54 % des sondés se prononçaient dans le même temps pour un arrêt du mouvement.

Les gilets jaunes se sont malgré tout de nouveau réunis le 15 décembre pour le cinquième samedi consécutif. Cette fois sans violences, sans pillages et avec beaucoup moins d’interpellations que la semaine précédente (200 contre près de 2.000). Le ministère de l’Intérieur comptabilisait plus de 33.000 manifestants en France, bien loin des 280 000 manifestants comptés lors du premier week-end de mobilisation. Certains appellent déjà à un « acte VI ». Même si le mouvement s’essouffle, la crise est bien loin d’être résolue.

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