CINÉMA

« Pupille » – La prunelle de leurs yeux

Quatre ans après Elle l’adore, Jeanne Herry retrouve Sandrine Kiberlain pour son deuxième long-métrage Pupille. Aux côtés de Gilles Lellouche, Elodie Bouchez , la cinéaste décortique avec précision le processus d’adoption d’un bébé né sous X.

Théo, petite pupille de l’Etat né sous X, entame sa jeune vie d’un regard à un autre. Il va être l’objet d’une chaîne humaine, d’une jeune fille qui ne veut pas d’enfant à une mère qui en veut un, sous les yeux de la réalisatrice Jeanne Herry. Pour ce deuxième long-métrage, quatre ans après Elle l’adore, la cinéaste s’est penchée avec soin sur l’adoption pour aborder non pas la quête des origines mais les origines elles-même de la démarche.

Écrit avec précision et documentation, Pupille se regarde quasiment comme un documentaire. Le film est explicatif et didactique, il laisse très peu de place au suspens dramaturgique. Pourtant, la réalisatrice y insuffle de beaux moments de cinéma en soignant ses plans et sa mise en scène autant que son écriture. Jeanne Herry sait raconter une histoire. En éclaircissant les rouages des services sociaux donnant lieu à l’adoption d’un enfant, elle dépeint de rares instants de quotidienneté entre les différents personnages de son récit. En premier lieu, celui du petit Théo, mais à travers lui, la cinéaste met en lumière l’ensemble de ces travailleurs sociaux dont l’objectif est de parvenir à trouver les meilleurs parents possibles pour le nouveau né.

Pupille est construit sur deux temporalités, d’un côté les deux mois séparant la naissance du bébé à son adoption, de l’autre les dix années de flashbacks où Alice (l’émouvante Élodie Bouchez entre force et fragilité) entame un long parcours de combattant, d’entretiens en entretiens, de dossiers en dossiers, pour enfin devenir mère. Jeanne Herry valse avec les points de vue sans perdre de vue son propos. Gilles Lellouche casse l’image virile qu’on lui a collé  pour un rôle tout en douceur d’éducateur spécialisé, il incarne les bras de Théo avant qu’il ne soit recueilli par une famille. Jean, mari au petit soin de sa femme, apporte de la masculinité à un métier considéré longtemps comme féminin. Il travaille avec Karine (Sandrine Kiberlain, muse de la réalisatrice), fantasque et bourrée de tocs, en charge du dossier. Et puis, Olivia Côte chargée de trouver les parents, Miou Miou dont la célèbre voix ouvre le film (symbole appréciable) et Clotilde Mollet offrant par le décalage de son personnage une des scènes les plus poétiques.

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Jeanne Herry réussit à faire vivre tous les seconds rôles, à les faire exister chacun à sa place dans le processus – précisément ceux qui ne font que passer brièvement à l’instar de Bruno Podalydès et Stefi Celma, Car en plus de ses talents de scénariste et de réalisatrice, la cinéaste est une brillante directrice d’acteurs, elle aime ses comédiens d’un amour incontestable et le film est le témoin du regard qu’elle porte sur eux. Et puis il y a ces bébés qui offrent des instants de vie magiques, comme dans cette scène où le coeur du petit pupille s’emballe sur l’électrocardiogramme au son des mots de Sandrine Kiberlain. Le spectateur n’a plu qu’à se laisser guider par les émotions des personnages et l’approche de ces métiers du social que l’on connaît mal.

Comme Le Grand bain sorti cette même année et réalisé justement par Gilles Lellouche, Pupille est un film intense sur la beauté du collectif, la foi en l’être humain. Si tous ces êtres parviennent à guider l’enfant d’une mère à une autre, en travaillant ensemble main dans la main, tout ces acteurs réussissent à porter ce film comme un nouveau né, dans l’harmonie et la grâce.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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