SOCIÉTÉ

Être hôtesse d’accueil dans l’ère post #metoo

Lors du congrès des maires à Paris, des hôtesses d’accueil ont été embauchées en intérim. Certaines ont dénoncé les remarques sexistes auxquelles elles ont dû faire face dans un reportage de Quotidien (TMC). Laura a 23 ans. Elle est étudiante en sciences politiques et pour financer ses études, elle réalise chaque mois des “missions”. Pour elle, le sexisme est inhérent à ce métier.

Que vous alliez voir un concert, une rencontre sportive, lors d’un séminaire d’entreprise ou d’une soirée privée, il y a de grandes chances pour que vous y croisiez des hôtesses d’accueil. Elles sont jeunes, grandes, minces, belles, impeccablement apprêtées. Leur présence est un gage de prestige pour les événements sur lesquels elles travaillent. Mais leurs chefs ne se préoccupent souvent que de l’image qu’elles renvoient. Laura décrit l’univers pas si glamour des jeunes femmes aux foulards de satin noués autour du cou.

« Être féministe et travailler comme hôtesse c’est un peu contradictoire, parce que tu es une plante verte en fait . »

Lovée dans son fauteuil bleu capitonné, les cheveux bruns longs et légèrement ondulés, un sourire parfait et des pommettes saillantes, c’est indéniablement une jolie fille. Dans son salon, des livres et l’ensemble guirlande électrique / bougies / coussins à foison et plantes vertes, sorte de panoplie contemporaine de l’étudiante soignée et « stylée ».

Son mètre soixante-dix et sa silhouette fine lui ont permit d’entrer il y a cinq ans dans une agence d’événementiel. Un travail qu’elle a choisi pour la flexibilité des horaires, la rémunération avantageuse et les expériences qu’il lui permet de vivre. Depuis, elle est sollicitée plusieurs fois par mois pour des « missions », rémunérées à l’heure, qui lui rapportent entre 100 et 500 euros mensuels.

Elle ne tarit pas d’anecdotes plus ou moins réjouissantes. Si elle reconnait qu’elle a eu l’opportunité d’assister à des événements passionnants et de voir ce qu’elle n’aurait peut être jamais vu sans ce travail, elle déplore aussi les difficultés invisibles auxquelles elle doit faire face.

Sois belle et tais-toi

« Je suis restée 3 heures et demie devant une porte, dans un courant d’air. J’étais frigorifiée, en petite tenue (robe noire, blazer et chaussures à talons). » Pour Laura, c’est le pire souvenir de mission, pendant un événement d’entreprise. Au delà de l’inconfort, les dérives souvent paternalistes de ses chefs et des clients la désolent. Elle a suivi de près le mouvement #metoo et cela a changé sa façon de voir son métier.

« Ça va de ‘‘quelle chance on a d’avoir des belles hôtesses comme vous’’ à ‘‘t’es bonne’’, et on ne peut rien répondre.  »

Ce qu’elle déplore ? D’abord la sélection au physique : souvent les clients demandent uniquement des hôtesses, voire  précisent leurs critères. « On m’a déjà refusé une mission parce que le client voulait une hôtesse aux yeux verts et ce n’était pas mon cas », confie-t-elle, son contrat de travail à la main. Ensuite, le sexisme ambiant, à commencer par les remarques qu’elle reçoit, souvent, en mission. « C’est toujours des hommes sûrs d’eux qui nous font des remarques pas forcément méchantes, mais qui mettent mal à l’aise parce qu’ils ne diraient jamais cela à des hommes. Ça va de ‘‘quelle chance on a d’avoir des belles hôtesses comme vous’’ à‘‘t’es bonne’’, et on ne peut rien répondre. »

Ces comportements, dans la bouche de Laura, font presque partie du métier. Être hôtesse c’est porter des talons, sourire, être impeccable jusqu’au bout des ongles, et accepter les remarques déplacées de certains hommes. Bien sûr, Laura rencontre aussi des personnes bien intentionnées qui s’intéressent seulement à sa vie, à ses études, à sa région d’origine (elle vient de Bretagne) et ces échanges égayent ses journées de travail, parfois longues.

« C’est un monde où tu sens bien ta condition de femme »

Elle se souvient de la fois où un homme l’a draguée toute la soirée et lui a proposé de la ramener. A l’heure de débaucher en fin de soirée, plus de transports en commun. C’était une heure et demie de marche sous la pluie ou rentrer avec un inconnu « pas méchant mais intéressé » selon elle. Elle s’est donc fait ramener et tout s’est bien passé… Mais cette expérience lui a rappelé une fois encore la soumission féminine ambiante au cœur de son métier.

Laura a vu le reportage de Quotidien et l’a partagé sur les réseaux sociaux. En cinq ans d’hôtesse, c’est la première fois qu’elle voyait un média en parler. « C’est dommage parce qu’on est partout, et on est invisibles. »

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