CINÉMA

« Silvio et les autres » – Le télescopage entre Sorrentino et Berlusconi

C’est un spectacle insupportable d’observer la sortie de route d’un cinéaste qu’on admire. Silvio et les autres n’est pas un mauvais film, c’est plutôt un film maladroit et sans point de vue, qui souffre d’une longueur démesurée.

Après Il Divo en 2008, c’est la deuxième fois que Paolo Sorrentino s’intéresse à une figure politique italienne et pour son dernier film il nous fait le portrait évidemment peu flatteur du sulfureux Silvio Berlusconi. En plein dans les années “bunga bunga” le film se concentre sur les soirées d’été (imaginé par Sorrentino et son co-scénariste Umberto Contarello) scandaleusement rock’n’roll de celui qui fut pendant plus de neuf ans le président du conseil des ministres en Italie. Malgré une réalisation vitaminée, enchainant les soirées sexy sur fond de musique électro, le film est tout aussi vide et superficiel que la célébrité dont il dresse le portrait.

La cour du bouffon Berlusconi

On suit donc le proxénète Sergio Morra élaborant un plan pour parvenir à Berlusconi. Il a la merveilleuse idée de s’installer dans une villa faisant face à la sienne, accompagné d’une trentaine de jeunes femmes fêtardes. Ce n’est qu’au bout de 40 minutes que Silvio pointe enfin le bout de son nez, déguisé en danseuse orientale pour tenter de faire rire sa femme, échec. Si Sergio Morra veut tant rencontrer “il cavaliere” c’est pour faire parti de sa cours. C’est d’ailleurs plutôt devant cette basse-cour que Sorrentino braque son objectif, les fameux “autres” du titre. On préfèrera d’ailleurs son titre original : Loro, littéralement “Eux”.

Eux, ce sont ces gens friqués, ces prostituées botoxées, ces grincheux avares et autres opportunistes toujours entrain à applaudir le clown Berlusconi qui les divertis de ses chansons avec un plaisir toujours égal. Caché derrière ce masque au sourire figé, Toni Servillo délivre une nouvelle fois une remarquable interprétation qui nous sauve de l’ennui à plusieurs reprises.

Un film à l’identité incertaine

Le principal problème de ce film-puzzle (assemblant soirées luxe(ri)euses et dialogues blasés) c’est le refus de la part de Paolo Sorrentino d’émettre un point de vue sur le personnage. Il n’a évidement pas l’air de l’apprécier, à en juger par la tournure que prend le film : une hagiographie ironique grotesque. Mais cette volonté de ne se baser sur aucun événement historique concret du personnage opacifie le propos. Est-ce un film des vacances borderline de Berlusconi, une critique de l’homme d’affaire mégalo ou une satire politique ? Le film fini malgré lui par se ranger derrière ses italiens qui soutenaient Berlusconi surtout par admiration de son sens des affaires.

Sorrentino reste Sorrentino

Le talent de réalisation de Paolo Sorrentino sauve en parti ce film grâce à une scène finale rappelant celle ouvrant La Dolce Vita. Le Christ droit comme un I, survolant l’Italie de Fellini se retrouve gisant, sauvé des décombres post-séisme chez Sorrentino. Cette scène résume à elle seule ce qui aurait pu être l’intention de Silvio et les autres. Que reste-t-il a sauver d’une Italie dévastée, pendant tant d’années, par un Berlusconi irrévérencieux et insouciant du peuple Italien ? La scène se superposant au générique de fin semble répondre à cette non-question, à en juger par les regards dépités de ces ouvriers impuissants face aux dégâts du séisme. On fini tout aussi abasourdi qu’eux, après 2h30 de pitrerie berlusconienne.

Sorrentino a donc réussi sa ridiculisation de Berlusconi mais a raté un film au propos bien trop confus pour être intéressant.

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