CINÉMA

“L’amour flou” – L’amour vache

Dans  L’Amour Flou  Romane Bohringer et Philippe Rebbot racontent avec tendresse et humour leur séparation. En salles depuis le 10 octobre.

Dix ans d’amour, deux enfants, une séparation et un film. Voilà comment on pourrait résumer  L’amour flou, le long-métrage dans lequel les acteurs Romane Bohringer et Philipe Rebbot racontent leur séparation, avec humour et tendresse.

Epuisés par dix ans de vie commune, exaspérés par le moindre défaut de l’autre (vous savez, ces fameuses qualités qui se transforment progressivement en défauts absolus…), Romane Bohringer et Philippe Rebot décident de se séparer. Mais se séparer, ce n’est pas si simple, surtout quand il y a au milieu deux beaux enfants qu’on souhaite absolument protéger. Alors ils tâtonnent, cohabitent, s’engueulent et puis, finalement, trouvent la solution « parfaite » : acheter deux appartements reliés par la chambre des enfants. Se séparer sans briser le foyer.

 

© Rezo film

Projet  f(l)ou

Tout commence un soir, lors d’une fête où les deux acteurs racontent leur histoire et se voient gratifier par leurs mis d’un « franchement, c’est un film votre truc ». Il n’en fallait pas plus pour qu’ils se lancent : écriture de scénario, réunion d’une petite équipe « de potes » et c’est parti. Au départ, le projet est « flou » et puis, progressivement, une fois les producteurs embarqués, il faut bien s’y mettre sérieusement. Tout le monde est de la partie, leurs enfants mais aussi leurs parents et leurs amis. Ces derniers campent une galerie de rôles secondaires plus ou moins réussis -on retient surtout Reda Khateb en mec chelou non identifié sorte de psychologue pour chien et qui prodigue à Philippe d’intenses sessions de promenade… Complètement plongés dans la vie du couple, sa frénésie et ses difficultés, les péripéties de l’achat de l’appartement, des travaux et de la cohabitation « post séparation », on s’attache immédiatement à ce foyer qu’ils sont parvenus à (re)créer.

Beaucoup d’amour

L’amour flou est avant tout un film sur l’amour. Paradoxal pour une histoire qui se concentre sur une séparation ? Pas tant que ça car, si Bohringer et Rebbot ne sont clairement plus amoureux, ils s’aiment encore profondément. Ils aiment leurs enfants, ils aiment ce qu’ils ont construit mais ce n’est simplement plus possible. Et pour eux autant que pour leurs enfants, le choix raisonnable, c’est la séparation. C’est en quelque sorte ce qui permettra de conserver l’amour et d’éviter qu’il ne se transforme en ressentiment larvé voire en haine. Le propos sur l’amour et la famille est touchant, parfois mordant mais toujours plein d’espoir.

 

© Rezo film

Portrait de père

Dans ce portrait d’une famille résolument moderne ce qui touche toutefois le plus c’est le portrait du père, Philippe Rebbot. Le personnage de Romane Bohringer est intéressant (c’est le plus « moteur » de l’histoire) mais le parcours qu’il suit est plus convenu et traité avec moins de finesse (peur de vieillir et d’être seule, envie de « baiser » et d’être désirable quitte à se tourner en ridicule etc.). Philippe Rebbot, au contraire, offre une vision trop rarement montrée d’homme chez qui la paternité a été une source quasi-totale d’épanouissement. Même si cette figure de père aimant et dévoué se retrouve dans deux autres films actuellement à l’affiche (Nos batailles de Guillaume Senez et Girl de Lukas Dhont), la force de L’amour flou est d’en présenter une version plus comique. Surement usant au quotidien, le côté « adolescent mal dégrossi » de Philippe Rebbot  s’avère être un vrai régal à l’écran et, à n’en pas douter, sa personnalité est pour beaucoup dans l’intelligence et la réussite de cette séparation.

Pourtant, son parcours n’est  pas le plus facile : moins connu et nanti que sa femme, il emménage dans la plus petite partie du nouvel « appartement » et toute sa famille semble douter de sa capacité à survivre sans sa femme…  avec son look de skater et son projet de devenir le Hugh Heffner français, on pense d’ailleurs qu’il va d’abord embrasser le cliché du cinquantenaire fraichement séparé et avide de chair fraiche… Loin de là puisqu’un des moments les plus émouvants du film est d’ailleurs celui où il ’avoue à Romane Bohringer  que tout ce qu’il veut ce n’est pas se « sentir homme », ou une nouvelle femme, mais continuer à être père.

La tendresse , l’humour et le respect qui émanent de ce film en font presque oublier les limites : les longueurs, le pathos parfois trop prononcé (la scène finale, est très belle mais dégouline un peu), les personnages secondaires parfois trop stéréotypés (le grand-père ronchon, l’agent immobilier survolté façon Stéphane Plaza, le directeur d’école à moumoute) ou  la pertinence de faire jouer tous les rôles par les personnes elles-mêmes (surtout les enfants seront-ils vraiment ravis de cette exposition dans quelques années ?). Un peu flou parfois donc mais bon, s’il est une chose que nous apprend le film, c’est que ce n’est pas forcément un problème.

L’amour flou de et avec Romane Bohringer et Philippe Rebbot, 1h37, en salles le 10 octobre.

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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