MUSIQUE

Au Baccara, Odezenne joue cartes sur table

Photo : ©Edouard Nardon / Clément Pascal


Trois ans après le mémorable Dolziger Str. 2 et dix ans après son tout premier opus, Odezenne sort Au Baccara, un album pétri d’émotions en bataille.

En bleu et rouge

Des miaulements de synthés se mêlent et se fondent, avant de laisser percevoir une première mélodie puis un murmure un peu lointain. Puis c’est la voix qui arrive, anacrouse imprévisible et tranchante qui s’impose comme une claque au réveil. Le rideau s’ouvre sur Au Baccara, dernier album d’Odezenne.

 

Les premiers mots tranchent, ils sont la voix du premier titre qui parle d’amour et de douleur. Premiers sons graves, basse sérieuse qui grince, mélodie qui jamais ne décolle. Mais c’est peut-être là que réside toute la beauté de Nucléaire, premier titre puissant et tout en retenue. Alix, Jacco et Mattia sont bel et bien de retour, avec désinvolture et sérieux, en flash bleu et rouge. La pupille se dilate, les oreilles s’ouvrent, l’esprit se met en alerte sur le plus beau rap (de tous les temps).

Poésie du texte, amour des sons

La poétique des mots est bluffante car elle fait preuve d’une simplicité désarmante. Des mots de tous les jours, parfois de l’argot, se trouvent érigés au rang de poésie contemporaine. La plume d’Odezenne reste acérée et franche, sans concession elle clame autant l’amour que le dégoût, proclame sa passion comme sa répulsion. Pas de concessions, les choses doivent être dites sans détour.

“T’es pas la femme de ma vie, t’es la femme de la tienne”

À ce flow intense colle une instrumentale qui ne laisse pas indifférent. Le synthé semble être aussi exploité que chéri. Malmené dans Bébé, il se fait d’une douceur jouissive dans Tony, dernier titre magnifique qui clôt Au Baccara. Le titre éponyme de l’album s’impose comme une valse lente, légèrement pompette. Le synthé fatigué miaule, sur un ton de fin de soirée. Et la voix arrive, rythmée par le balancement lent des mots, marquée par le temps fort de cette valse de noctambule. Ce délice auditif fait sans aucun doute partie de ces titres d’Odezenne qui restent d’abord en tête, puis s’infiltrent dans la vie et ressurgissent parfois.

 

Au Baccara – Odezenne

Ascenseur émotionnel

Après le stress provoqué par les reproches et la techno déjantée de Bébé, En L arrive comme un nuage de sérénité… et de fumée. Les mots sont aspirés, les rimes roulées avec soin, l’instru est planante à souhait. Écouter Au Baccara, c’est être ballotté d’un titre à l’autre, c’est ne jamais être sûr de soi, toujours sur ses gardes. De BNP à Nucléaire, il y a plusieurs mondes, où on ne joue pas selon les mêmes règles.

Au jeu de la bataille, Odezenne a tous les as : l’amour, l’alcool, la drogue et les mots. Au baccara, on prend surtout une raclée car les trois garçons nous montrent (encore) qu’ils se fichent du jugement ou de la critique. En s’imposant d’une telle manière, on ne peut que se prêter au jeu d’Odezenne. Sortir un album n’est pas une mince affaire, mais le groupe en sort toujours vainqueur, sans aucun coup de bluff.

©Olivier Donnet


 

Odezenne entame une tournée dans l’hexagone, les places sont à réserver ici (épileptiques s’abstenir).

Rédactrice en chef de la rubrique musique et étudiante en master numérique à Bordeaux. Passionnée de musique et de photo.

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