CINÉMA

Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2018 – Entre zombie walk et guerre de Yougoslavie

Pour cette onzième édition, le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (FEFFS pour les intimes) qui s’est déroulé du 13 au 24 septembre 2018 a réuni plus de 15 000 personnes autour d’évènements tels que la zombie walk ou l’avant-première de Climax (en présence d’un Gaspar Noé presque déchaîné)… Si l’Octopus d’or, la récompense ultime, est allée au danois Cutterhead, trois autres films valaient aussi le détour.

Véritable petite institution à Strasbourg, le FEFFS a, encore une fois, donné lieu à une grande compétition. En plus de la compétition officielle qui réunissait treize long-métrages dont Climax de Gaspar Noé et The House That Jack Built de Lars Von Trier, il fallait aussi compter avec la section Crossover qui, officiellement, présente des films de genre « non fantastiques », la sélection animation, la section court-métrages et, enfin, la sélection jeux vidéo… de quoi bien s’occuper pendant 10 jours !

 

© Cutterhead

Des évènements phares

Après une plusieurs années d’interruption en raison de la menace terroriste, la zombie walk était de retour cette année et, promesse de l’adjoint à la culture de la ville de Strasbourg, elle le sera aussi l’année prochaine. Autres événements majeurs de l’édition 2018, la projection de The House That Jack Built du controversé Lars Von Trier, la présence prolongée du moins controversé John Landis (Les blues brothers et du clip de Thriller de Michael Jackson) pour une rétrospective de son œuvre, ainsi que la projection-évènement de L’exorciste dans une église. De quoi frissonner dans ce festival du film fantastique qui propose pourtant assez peu de films vraiment fantastiques… on s’interroge d’ailleurs sur la présence en sélection officielle de films n’ayant rien de franchement fantastique tel que le Climax de Gaspard Noé. Heureusement, l’Octopus d’or du festival est allé au premier film catastrophe et anxiogène du danois Rasmus Kloster Bro, Cutterhead. L’histoire d’une femme qui descend dans un monde souterrain uniquement peuplé d’hommes et qui reste coincée…

Les films à retenir

En dehors de quelques belles exceptions, pas de tant de films de genre ou d’horreur mais des sélections qui offrent largement de quoi se faire plaisir, même sans frissonner.

Aubrey Plaza désopilante de désespoir © An evening with Beverly Luff Linn

Pour commencer, le bonbon un peu écœurant de Jim Hosking, An evening with Beverly Luff Linn présenté en clôture du festival. Esthétique 80’s décalée et léchée (beaucoup de pulls en mohair et de fard à paupière), scénario absurde à souhait, casting solide (Aubrey Plaza n’a manifestement rien perdu de son talent depuis Parks & Recreation), le film qui raconte la quête un peu désespérée d’une jeune femme malheureuse en mariage pour un ancien amant devenu poète chantant a tout pour plaire. Toutefois, en plus des longueurs, on regrette l’opposition que le réalisateur semble dresser entre humour absurde et humour subtil, comme s’il s’agissait d’huile et d’eau. Au final, on a un peu l’impression d’un apprenti Wes Anderson coincé dans un décor de Quentin Dupieux sans retrouver ni la fantaisie de l’un ni l’humour de l’autre.

© PIG

Poursuivons avec le, pour le coup, très désopilant Pig de l’Iranien Mani Haghighi, déjà présenté à la Berlinale. Attention, on est ici bien loin des films de l’iransploitation des distributeurs français qui consiste à assurer la présence quasi  constante d’un film  bien convenu sur les difficultés de la société iranienne dans toutes les salles de cinéma de l’hexagone. Enfin, peut-être pas si loin. Pig parle en fin de compte beaucoup de ce cinéma iranien dont raffole les européens et, en particulier les français, celui des réalisateurs assignés à résidence, empêchés de tourner et/ou forcés de s’exiler. Dans Pig, un réalisateur mégalomane (l’excellent de balourdise Hassan Majuni) s’étant fait retirer son permis de tourner par le gouvernement est contraint de tourner des publicités sans intérêt. Pendant ce temps, la vie continue, on lui pique son actrice préférée et ses camarades poursuivent leurs tournages… sauf ceux qui se font décapiter par un mystérieux sérial killer ayant fait des réalisateurs sa cible préférée. Le protagoniste principal, égocentrique au dernier degré, fini par être très vexé de ne pas être encore décapité, jusqu’au jour où il est suspecté et mis en cause sur les réseaux sociaux… Quoiqu’un peu longuet, Pig est une satire très efficace de l’intelligentsia de Téhéran qui dépeint avec justesse et drôlerie le microcosme cinématographique iranien (surement pas si éloigné de son cousin français). Un peu chargé en private joke iraniennes qu’on perçoit sans vraiment comprendre, le film intéresse toutefois aussi pour son propos caustique sur l’utilisation parfois abusive –voire stupide-  des nouvelles technologies, pas spécialement original mais franchement drôle.

© Chris the swiss

Enfin, le coup de cœur du FEFFS est un film (non fantastique) de la sélection animation, Chris the swiss d’Anja Kofmel. Déjà présenté à la Semaine de la critique du Festival de Cannes, ce film qui mélange prises de vue réelles, images d’archives et animation nous replonge dans la complexité du conflit yougoslave du début des années 1990. Anja Kofmel repart sur les traces de son cousin Chris, un journaliste suisse assassiné à l’âge de 25 ans alors qu’il couvrait le conflit serbo-croate. Si, au départ, Chris apparait comme un gendre parfait, idéaliste aventurier à mèche, progressivement, l’enquête nous dévoile une personnalité bien plus trouble, à l’image du conflit dans lequel il se retrouve plongé. On découvre notamment que, bien que suisse et journaliste, Chris ne s’est pas contenté d’être un reporter neutre et objectif et qu’il a rejoint une milice paramilitaire chrétienne… pour mieux documenter le conflit ? Le film n’apporte pas vraiment de réponses mais rappelle une leçon trop souvent oubliée : la vérité est toujours bien plus compliquée.


Chris the swiss d’Anja Kofmel, Urban Distribution. Sortie le 3 octobre 2018 (1h25).

Pig de Mani Haghighi avec Hassan Majooni et Leila Hatami. Epicentre Film. Sortie le 5 décembre 2018 (1h48).

An evening with Beverly Luff Linn de Jim Hosking avec Aubrey Plaza, Emile Hirsch et Germaine Clément (1h48). Pas encore de date de sortie française.

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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