La question des violences conjugales est revenue dans l’actualité avec la publication sur les réseaux sociaux d’une campagne de lutte contre les violences conjugales au Royaume-Uni.
Sur cette photo, on voit une femme, le bas du visage ensanglanté, deux traces perpendiculaires sur les lèvres figurant la croix de Saint-Georges, emblème du drapeau anglais. En légende, on peut lire : « Si l’Angleterre est battue, elle aussi. Les violences conjugales augmentent de 26 % pendant les matchs de l’Angleterre. 38 % quand ils perdent. » La campagne a été réalisée par le National Centre for Domestic Violence, un service d’aide aux victimes de violences au Royaume-Uni.
Une étude originaire de l’université de Lancaster
Ces données viennent d’une étude publiée en 2014 et menée durant les Coupes du monde de 2002, 2006 et 2010. Des chercheurs de l’université de Lancaster, dans le nord-ouest de l’Angleterre, se sont appuyés sur le nombre de plaintes enregistrées par la police du comté de Lancashire.
Ils en ont conclu que les violences conjugales augmentent lors des matchs joués par l’Angleterre pendant cette compétition internationale. Quand l’Angleterre gagne ou fait match nul, les violences progressent de 26 % par rapport aux jours sans matchs. Quand elle perd, la hausse est de 38 %. Le lendemain des matchs, elles augmentent aussi de 11 %.
Mais les violences conjugales ne peuvent être réduites à un tournoi de football : la compétition a lieu en été, quand les températures et la consommation d’alcool sont plus élevées, et qu’une ambiance particulière se développe. Même s’il est difficile d’affirmer que cet événement est une cause directe de violences, il concentre tous les facteurs de risques lors d’une période courte et intense, tout en mêlant les concepts de masculinité, rivalité et agression.
Un constat nuancé par des associations
Sandra Horley, directrice de l’association Refuge, a expliqué à la BBC que rendre responsables de ces violences l’alcool ou le sport « laisse les auteurs tranquilles » et « les empêche d’assumer la responsabilité de leurs actes ». Le foot, au même titre que l’alcool, la drogue ou les jeux d’argent, ne sont pas une raison mais une excuse selon la responsable associative. « Des femmes subissent les coups de leurs conjoints tous les jours, pas uniquement quand le foot passe à la télé ».
Auprès de The Independent, l’association Women’s Aid a expliqué que ce n’est pas le foot qui cause les violences conjugales mais bien les seuls auteurs. Ceci étant, « les attitudes sexistes, les chants et les attitudes lors des matchs de foot créent un environnement dans lequel les femmes sont dénigrées et rabaissées ». Les championnats de football ne seraient donc qu’un terrain propice à l’expression d’une forme de masculinité à la violence exacerbée et délétère, déjà construite socialement et culturellement et mise en œuvre individuellement.
Enfin, ces chiffres sont à prendre avec un peu de recul, car il n’existe pas d’autre étude scientifique sur le sujet. Même les chercheurs reconnaissent ainsi qu’il est « clairement important de vérifier si ces résultats se reproduisent dans le reste du Royaume-Uni ou dans d’autres pays ». Notant que l’étude a été réalisée sur un faible échantillon, ils précisent que « d’autres recherches sont nécessaires notamment pour comprendre : quand et où se produisent ces violences, quels sont les facteurs déclencheurs ».
Une problématique d’autant plus importante en Russie, où a eu lieu la Coupe du Monde
En 2017, sous prétexte de protéger la vie privée des familles et sous pression de l’Eglise orthodoxe de plus en plus proche du pouvoir, la Douma, l’équivalent de l’Assemblée Nationale, a voté une loi dépénalisant les violences conjugales. Aujourd’hui, un homme russe peut donc battre sa femme sans craindre d’aller en prison, puisqu’il n’écope que d’une simple amende. C’est-à-dire que battre sa femme a aujourd’hui la même gravité que garer sa voiture au mauvais endroit.
D’après les associations russes qui luttent contre les violences faites aux femmes, celles-ci ont effectivement augmenté, comme en ont témoigné des représentantes ou des bénévoles à Konbini en février 2018. La loi a eu pour conséquence de rendre les violences conjugales plus socialement acceptables, et moins condamnables juridiquement.
A titre de comparaison, aujourd’hui en France, pays de moins de 70 millions d’habitants, une femme meurt tuée par son conjoint tous les trois jours (123 en 2017). En Russie et avant le passage de la loi, pays de 150 millions d’habitants, les associations russes estimaient que 10 000 femmes étaient tuées par leur conjoint chaque année.