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Rencontre avec Tamino – « Tristesse et joie vont main dans la main »

Présent sur le festival Vie Sauvage, Tamino a ouvert le premier jour avec classe. Nous l’avons rencontré juste avant de monter sur scène et avons parlé de littérature, de création et de Leonard Cohen.

Pourrais-tu décrire ta musique ?

C’est une question difficile. Je ne la décris pas souvent, à mon avis le droit de la décrire revient aux auditeurs. C’est ce qu’ils devraient faire car ça pourrait les aider à comprendre la musique, je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire de la part de l’artiste. Je fais la musique mais je ne suis pas sûr d’où elle vient. J’ai une petite idée mais c’est mieux si je la fais sans y penser trop souvent.

Ton petit frère photographe t’accompagne souvent sur les dates de ta tournée. Sa photo et ta musique semblent complémentaires, tu es d’accord ça ?

Absolument ! Je passe beaucoup de temps avec lui, il me connaît très bien. Il est jeune mais très talentueux. Il a une bonne idée de ce que ma musique est, il sait comment la capturer.

©Ramy Moharam Fouad

Tu es d’origine égyptienne et belge, on entend ces deux origines dans ta musique. C’est important de mêler ces racines dans les morceaux ?

Je crois que c’est quelque chose de naturel. J’ai toujours écouté de la musique arabe, depuis tout petit. Je viens aussi d’une famille de musiciens. Ça vient naturellement dans ma musique, c’est quelque chose qui m’inspire. Mais je ne fais pas la décision consciente de combiner les cultures. Je connais des gens qui ont des héritages différents et qui n’ont pas baigné dedans, contrairement à moi. Dès le plus jeune âge j’ai aimé la musique arabe, ses chanteurs et ses chanteuses.

On entend cela dans ton chant autant que dans les arrangements. D’ailleurs dans Sun May Shine, l’orchestre rappelle ceux qui accompagnaient Oum Khalthum.

Merci, c’est un très beau compliment ! Bien sûr il y a eu des décisions conscientes dans les arrangements orchestraux. J’aime Oum Khalthum et la musique de mon grand-père (Moharam Fouad, ndlr) où les orchestres sont très importants. Ils suivent une mélodie, ce qui est typiquement arabe. Pour l’enregistrement de Sun May Shine, Indigo Night et d’autres titres à venir après l’été, j’ai fait appel à un petit orchestre de réfugiés résidant à Bruxelles. Ils viennent majoritairement de Syrie et sont des musiciens géniaux.

Tu as des influences très intéressantes, on compte parmi elles Nick Cave, Radiohead…  Laquelle t’inspire le plus ?

Je me sens le plus inspiré face à une oeuvre d’art, surtout une oeuvre littéraire. J’aime beaucoup les livres car ils nous documentent sur la pensée de quelqu’un sur le long terme. Si tu lis le livre et que tu prends ces pensées avec toi elles s’attardent, elle restent avec toi. C’est pour cela qu’après avoir lu un livre une idée surgit et une chanson peut naître de cela.

En terme d’influence musicale, je dirais qu’il n’y a pas une influence plus importante qu’une autre. Elles ont toutes autant de valeur, même celles que je ne mets pas dans mes playlists, celles que je déteste. Savoir ce que tu n’aimes pas est aussi important que de savoir ce que l’on aime, à mon sens. Dans ces playlists je mentionne Hamza el Din, un joueur de oud qui chante aussi très bien. Il a bien sur Nick Cave comme tu l’as dit. Et puis Leonard Cohen, c’est vraiment le roi ! Il est un exemple pour beaucoup de compositeurs car il a perfectionné ses morceaux. Rien n’est parfait bien sûr car la perfection est ennuyeuse, mais il tend vers cela.

Tu as collaboré avec le bassiste de Radiohead, Colin Greenwood sur Indigo Night. Tu nous raconte ? 

C’était génial ! C’est quelqu’un de très gentil, j’ai aimé être avec lui. Il est venu au studio très préparé, il avait écouté les titres beaucoup de fois. Il nous a beaucoup remercié de l’avoir invité.

Peux-tu parler de livres qui t’ont inspiré ?

Le Prophète de Khalil Gibran, c’est magnifique, vraiment. Il donne des leçons de vie sans pour autant dire “si tu ne suis pas ces règles tu vas en enfer”. Il n’est pas dogmatique, il ne fait pas partie de ces gens effrayants. Tous les livres sacrés font peur aux gens, et je ne suis pas sûr que guider nos actes par la peur soit une bonne chose. Il faut s’améliorer, rendre son existence meilleure mais il faut en avoir envie, envie de beauté. J’aime quand un écrivain certifie qu’il n’est pas tout-puissant, qu’il ne connaît pas tout.

Dans la vie on peut avoir tant de honte, pour tout, pour les choses que l’on ne doit pas dire… tandis que l’art nous montre tout.

On en revient alors à Leonard Cohen, à sa poésie et ses romans.

C’est vrai, il n’y a aucune honte. Dans la vie on peut avoir tant de honte, pour tout, pour les choses que l’on ne doit pas dire… tandis que l’art nous montre tout.

Comment appréhendes-tu la scène ?

J’aime ça la plupart du temps, mais pas toujours. Les meilleures fois sont quand j’arrive à m’exprimer sans aucune pensée, juste en ressentant. Si j’arrive à laisser mon ego de côté et laisser le moi parler, alors cela fait les meilleurs jours. À partir du moment où tu commences à penser, c’est que quelque chose ne va pas. Tu n’es pas vraiment dans le concert.

Tu faisais du théâtre auparavant, est-ce que tu t’en sers lors de tes concerts ? 

C’est une bonne question car je me la pose moi-même souvent. Je ne pense pas être acteur lorsque je suis sur scène. Je crois que parfois je le suis mais comme je l’ai dit avant, si je me positionne en acteur alors le concert ne doit pas être le meilleur. Si je dois me forcer à entrer dans le rôle du chanteur, ce n’est pas bon. Je dois être dans le moment et exprimer la part la plus profonde de moi. J’aime le théâtre parce que tu peux être quelqu’un de complètement différent. Tu peux apprendre à connaître une personne qui n’existe pas, te lier avec un personnage, c’est ça que j’aime.

Tous tes titres sont assez mélancoliques, c’est frappant dans ta reprise des Arctic Monkeys. Comment l’expliques-tu ?

Je ne pense pas pouvoir l’expliquer, ça a toujours été comme ça. Dès que je touche un instrument c’est toujours mélancolique. Je ne vois pas vraiment l’intérêt de la musique joyeuse et la musique mélancolique ne me rend pas forcément triste. Parfois je peux devenir très heureux en écoutant une chanson triste. Tristesse et joie vont main dans la main, elles sont inséparables. On retrouve cette idée dans Le Prophète.

Comment composes-tu ta musique ? 

J’essaie beaucoup de choses. Même si je ne me sens pas inspiré, je teste toujours. Il y a des jours où je peux écrire quelques chansons, d’autres une phrase seulement. L’important est d’essayer. Si j’ai de la chance un morceau surgit. Dans ce cas je peux le finir dans l’heure, mais ça n’arrive pas souvent (rires). J’aime la nuit pour composer, car ça te transporte dans une autre atmosphère. J’aime la nuit pour les idées et le jour pour perfectionner, vérifier avec un oeil nouveau, presque comme celui de quelqu’un d’autre.

Ton premier album sort bientôt, peux-tu en parler ? 

Il est presque fini, il sortira à la fin de l’été. C’est bon de voir ensemble les titres que j’ai composé ces deux dernières années. C’est une bonne représentation de ma vision des choses et de ma manière de composer. Je suis déjà très fier de cet album.


Tamino sortira son album à la fin de l’été et il sera présent sur le festival Rock en Seine le 25 août prochain.

Rédactrice en chef de la rubrique musique et étudiante en master numérique à Bordeaux. Passionnée de musique et de photo.

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