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Festival d’Avignon – Le Thyeste tout en son et lumière de Thomas Jolly

Pendant plus d’une semaine, le metteur en scène Thomas Jolly a investi la Cour d’honneur du Palais des Papes d’Avignon avec son adaptation du Thyeste de Sénèque. Sur fond de lutte fratricide et de cannibalisme, un spectacle très visuel et efficace en dépit d’une esthétique parfois trop kitsch et d’un niveau de jeu un peu décevant.

Ô vous frères humains

La pièce de Sénèque relate l’histoire d’Astrée et de Thyeste , deux frères qui se disputent le trône d’Argos. Au début du drame, Thyeste a été exilé du royaume par son frère après que ce dernier se soit rendu compte qu’il avait séduit sa femme et dérobé le bélier à la toison d’or qu’il conservait. Dévoré par la haine et la jalousie, insatisfait de cette punition qu’il juge trop clémente, Atrée décide de feindre la réconciliation avec son frère pour mieux se venger. Lors du banquet censé sceller leur règne commun sur Argos, il sert à Thyeste ses enfants en guise de repas…

© Christophe Raynaud de Lage

Spectacle son et lumières

Dans le prolongement de ses mises en scènes précédentes (Henri VI, Richard III), Thomas Jolly applique à cette tragédie antique un traitement qui oscille entre l’opéra rock et le spectacle son et lumière.

Sur scène, deux immenses éléments de décors gris anthracite à la mesure du lieu (la très vaste scène de la Cour d’honneur du palais des papes) : une tête aux yeux hagards et une main crispée qui sont les deux seules parties du corps des enfants qu’Atrée ne fera pas cuire…

Pour habiller ce grand plateau et le faire vivre tout au long des deux heures que durent la représentation, une multitude d’effets lumineux (faisceaux, spots, guirlandes) dont l’utilisation vient toujours utilement souligner la dramaturgie. Pas toujours subtil mais terriblement maîtrisé et efficace.

De la lumière donc mais également du son. Cela va de l’effet sonore basique (mais efficace) au rap (moins convaincant) en passant par le coeur d’enfants (merveilleux jeunes chanteurs de la maîtrise populaire de l’opéra du Grand Avignon).

© Christophe Raynaud de Lage

A trop vouloir en faire…

Au final, une ambiance dark à souhait, assez convaincante et inquiétante pour que le spectacle soit déconseillé au moins de douze ans.

Mais l’enfer étant pavé de bonnes intentions, à trop vouloir en faire Thomas Jolly pèche parfois par des excès qui, paradoxalement, affaiblissent la portée du spectacle.

La première faiblesse est celle-ce du jeu d’acteurs. Thomas Jolly (qui joue également le rôle d’Astrée) veut faire entendre mais l’indication semble avoir été donnée au premier degré. Résultat, on entend certes le texte mais parce qu’il est globalement crié par les acteurs mais le sens et la portée des répliques ne s’en trouve pas spécialement éclairci ou enrichi.

© Christophe Raynaud de Lage

L’esthétique très expressionniste frise constamment le kitschissime, notamment pour les costumes criards ou certains éléments de décors tous (sur)chargés de détails superflus voire ridicules. On peut les confettis censés représenter des cendres et qui s’avèrent être découpés en forme de papillons, l’omniprésence des paillettes sur les costumes et les corps des comédiens les tatouages compliqués sur les torses des deux acteurs principaux qui s’avèrent invisibles pour quiconque est placé au de la du 5ème rang… 

Comme Thyeste qui vient de dévorer ses enfants, on ressort donc de cette pièce rassasiés mais un peu barbouillés par le trop plein d’effets, comme si Thomas Jolly nous avait un peu obligé à reprendre du dessert. 

Informations pratiques : Au Festival d’Avignon jusqu’au 15 juillet. A partir de septembre 2018, en tournée à Perpignan, Saint-Etienne, Angers, Nantes, Strasbourg… Toutes les dates sur : www.lapiccolafamilia.fr – Durée : 2h

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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