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Festival Avignon OFF : “Le Malade imaginaire” : Molière revisité

Compagnie de théâtre lyonnaise, le RAID présente cette année au Festival Off d’Avignon Le Malade Imaginaire de Molière. Un équilibre temporel maîtrisé.

Marcher en Avignon mi-juillet, c’est avoir l’embarras du choix du divertissement. De rue en rue, de place en place, vous vous trouverez sollicité.e par des dizaines de compagnies de théâtre vous vantant leur pièce. Le Festival Off bat son plein. C’est au détour d’une ruelle discrète que le théâtre l’Etincelle se laisse entrevoir. Façade aux couleurs chaudes et aux rideaux de velours, il semble appartenir à un autre espace-temps. Il ne vous aura pas tout à fait menti.

C’est à 19 heures que se joue la pièce du Malade imaginaire de Molière. Lue et relue, maintes et maintes fois représentée, cette pièce datant de 1673 n’a pourtant pas pris la poussière. Le malade imaginaire, c’est Argan, ce vieillard hypocondriaque aux traitements quotidiens. Persuadé d’être malade, il rend la vie dure à son entourage, dont sa nouvelle femme, Béline, qui n’est en réalité qu’une croqueuse de diamants, n’attendant que sa mort pour s’enrichir. Toinette, sa servante, et Angélique, sa fille, l’auront bien compris. Pourtant, c’est une autre affaire qui secoue le ménage. Argan souhaite promettre en mariage sa fille à Thomas Diafoirus, fils de médecin et bientôt médecin lui-même, afin qu’il puisse s’occuper de sa santé. Seul hic, Angélique est amoureuse d’un autre : Cléante.

 

Béline, Argan et Monsieur Bonnefoy, le notaire. Crédit : Emile Zeizig.

 

Après avoir poussé les portes de ce théâtre aux allures rétro, le spectateur atterrit dans une salle de cent places. La proximité avec la scène surprend, mais elle permet une immersion totale. Et quand les comédiens du RAID entrent en scène, c’est un véritable bon dans le temps qui opère. Les costumes semblent être d’époque, les visages sont maquillés. Et les premiers dialogues commencent…

Mélanger les époques

Si vous cherchiez à écouter des alexandrins, passez votre chemin. Molière se joue ici en prose. Le texte a toutefois gardé toute son authenticité puisque rien n’a été réécrit. Mais les comédiens, dans leur généreuse fraîcheur et spontanéité, l’agrémentent d’interventions et de petites phrases. Aurait-on jamais entendu un personnage de Molière dire « walou », le même « walou » que le rappeur Booba utilise dans ses chansons ? Ici, vous êtes servis. Ces références à notre époque contemporaine donnent du rythme au jeu. Plus encore, elles nous prouvent que nous pouvons partager l’amour de la langue française autant pour les formules de Molière que pour le langage familier d’aujourd’hui. Les deux font partie de nos vies. Et c’est cette culture commune que veut mettre en lumière le metteur en scène Mohamed Brikat.

Un jeu intemporel

Comédien formé à l’Ecole nationale supérieure d’arts et techniques du théâtre (ENSATT), il met ici en scène l’œuvre de Molière, avec la force de jeu de ses sept comédiens de la compagnie le RAID (Réseau d’Artistes Indépendants et Déterminés). S’il y a bien une chose que l’on ne peut soustraire à Molière, c’est sa faculté à créer le comique de situation, et c’est ce qu’a sublimé Mohamed Brikat. Une chose est certaine : on ne s’ennuie à aucun moment de la représentation, et ce grâce aux pointes de références modernes utilisées avec finesse par les comédiens.

« C’est par le jeu qu’on rappelle au spectateur que Molière est populaire et accessible, que cet élément de culture nous appartient. » (Mohamed Brikat)

 

Argan et Toinette. Crédit : Emile Zeigzig.

 

Bien qu’actualisée et reformulée en certains points, la pièce ne s’en trouve pas dénaturée. Au contraire ! C’est la redécouvrir que de la voir en 2018. Certaines références à aujourd’hui permettent d’ailleurs de comprendre les situations d’antan. Et ainsi de voir que Le Malade imaginaire n’a pas perdu de sa modernité. La satire sur les médecins ou les situations familiales complexes, autant de thèmes qui peuvent trouver écho dans notre monde contemporain. La compagnie le RAID a ainsi su mettre en valeur ces aspects  sans jamais porter atteinte à l’œuvre qui fût la dernière de Molière. Ce malade imaginaire saura donc vous réconcilier avec la littérature classique et, en lieu et place des  souvenirs douloureux des lectures scolaires, vous sortirez de cette pièce le sourire aux lèvres.

 

Renseignements :

Le Malade imaginaire, mis en scène de Mohamed Brikat avec les comédiens de la compagnie le RAID.

Festival Avignon OFF. Théâtre de l’Etincelle. 14 rue des Etudes. Du 6 au 28 juillet à 19h (relâches les 15 et 22). Durée : 1h10.

 

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