CINÉMA

Le film culte – « The Big Lebowski », hommage à la paresse

Chaque mois, la rédaction revisite un film culte. Après Casino, le tour est aux frères Coen et leur Dude.

C’est l’histoire d’un homme et de son tapis. On y rajoute les caractéristiques d’un film noir ; des criminels, des femmes fatales, des rançons, puis on parsème le tout d’humour cynique et de bowling. C’est le Big Lebowski.

L’imbroglio à la Coen

Incarné par l’inimitable Jeff Bridges, Jeffrey Lebowski, alias « the Dude » vit une vie insouciante dans le Los Angeles des années 1990. Un jour, il se fait agresser en rentrant chez lui – on lui réclame de l’argent dû à un certain Jackie Treehorn, et un de ses assaillants urine sur son tapis. Le Dude ne comprend pas, ils partent – son tapis est ruiné. C’est ainsi que commence son périple : le Dude s’aperçoit qu’il a été confondu avec un autre Jeffrey Lebowski, multimilliardaire, et il lui rend visite dans l’espoir de faire rembourser ou remplacer son tapis.

Précédé par Barton Fink et Fargo, The Big Lebowski, sorti en 1998, permet aux les frères Coen de clôturer les années 1990 avec un chef-d’œuvre mémorable. Malgré une intrigue complexe, qui n’a bien sûr pas été choisie au hasard par les frères, l’influence du film noir est omniprésente et assumée par les créateurs.

Du Big Sleep au Big Lebowski

Adapté du roman éponyme de Raymond Chandler, le Grand Sommeil sera ressuscité dans le Big Lebowski plus de 50 ans après sa sortie. Ce film emblématique posait en 1946 les bases du film noir : un détective, ici Philip Marlowe (interprété par Humphrey Bogart), se retrouve au milieu d’une affaire par pur hasard, pour se voit mêlé à une histoire qui semble sans fin – chantages, rançons et vamps. Presque de la même façon, le Dude est entraîné par ses deux agresseurs dans une intrigue qui ne cesse de se compliquer.

L’histoire est introduite par l’Étranger, un cowboy dont le rôle principal est de séparer le film en trois parties à chacune de ses interventions : le début, le milieu et la fin. Entre alors le Dude : paresseux et plutôt excentrique dans son style, on apprend vite que cet homme est la quintessence de son époque et de Los Angeles, rien à voir alors avec le charmant Philip Marlowe dont s’inspirent pourtant ses créateurs.

“Je ne suis pas monsieur Lebowski. C’est vous monsieur Lebowski.”

C’est pourtant bien lui qui finit par se faire embrigader pour résoudre « l’affaire » du Big Lebowski. Bien qu’il ne soit pas enquêteur, avec l’aide de ses amis Walter et Donny, le Dude va s’improviser détective privé sur la piste de bowling qu’il fréquente régulièrement. Suivant les différents indices, il rencontre Bunny (et ses Nihilistes), la femme du milliardaire, et aussi Maude (Julianne Moore), sa fille, qui tente ostensiblement de séduire le Dude pour lui faire un enfant.

Peu à peu, malgré sa maladresse et son apparente simplicité, le Dude réussira à rassembler les pièces du puzzle, non sans l’aide des divers personnages qui l’entourent. Du colérique Walter Sobchak au grotesque Jesus Quintana : qui peut oublier les personnages légendaires des Coen qui accompagnent l’anti-héros dans son aventure ?

© Universal Pictures

Impétueuses et colériques, les répliques de Walter Sobchak (John Goodman), un des acolytes du Dude, sont ancrées dans la culture pop américaine, inspirant tant des vidéos parodiques lors des dernières présidentielles aux États-Unis, que des memes devenus célèbres dans la cyber-culture. Ancien combattant du Vietnam, converti au judaïsme à son mariage puis divorcé – Walter n’hésite pas à protester là où son ami laisse tous les évènements se dérouler passivement devant lui. On retient, entre autres, ses interruptions constantes des les répliques de Donny (Steve Buscemi), lui qui semble toujours frustré par sa présence. À la fois dans le style et la personnalité de Walter, les frères Coen se sont notamment inspirés de leur ami John Milius, scénariste d’Apocalypse Now et réalisateur du film Big Wednesday, qui influença aussi le lieu et l’atmosphère du Big Lebowski.

Walter Sobchak (John Goodman) à gauche, John Milius à droite © Universal Pictures

Ce n’est d’ailleurs pas un secret, les frères se sont ouvertement inspirés de leur entourage pour ces personnages peu courants au cinéma ; une touche de banalité qui rend l’ambiance du film d’autant plus familière. Le Dude, par exemple, est notamment inspiré de Jeff Dowd, ami producteur des Coen, mais aussi par plusieurs amis des frères Coen (Peter Exline, professeur à USC, pour ne citer que lui).

D’un début mitigé au culte

Initialement, The Big Lebowski n’a pas connu un succès particulièrement retentissant, avec seulement $5 millions lors de sa sortie en salle. Il  dépassait à peine son budget de $15 millions. La critique aussi était alors mitigée. Peter Howell, critique au Toronto Star disait : « Il est difficile de croire que celle-ci est l’œuvre d’une équipe qui a gagné un Oscar l’année dernière pour le scénario de Fargo. » Mais depuis, le journaliste a bel et bien changé d’avis, et le grand public aussi. The Big Lebowski est devenu un classique, et son influence dans la culture populaire est profonde.

L’emprise du film est omniprésente, à tel point qu’on peut désormais se faire ordonner prêtre Dudéiste, dont la religion est basée sur la philosophie du personnage de Jeff Bridges. On peut aussi participer au Lebowskifest, pour fêter chaque année l’anniversaire de l’œuvre. Il est également possible de profiter, partout dans le monde, d’un verre dans différents bars inspirés du film, dont Le Dude dans le 10ème arrondissement de Paris.

The Big Lebowski a fêté ses 20 ans il y a peu, mais l’œuvre n’a pas pris une ride. Depuis, celle-ci a séduit les foules avec sa philosophie oisive, son jeu d’acteur exceptionnel et ses répliques cultes.

 

 

 

 

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