La dernière pièce du Suédois est loin d’être à la hauteur…
Dernière pièce du quasi dernier grand dramaturge européen encore vivant, Poussière du suédois Lars Noren a été écrite spécifiquement pour la troupe de la Comédie Française. A l’affiche jusqu’au 16 juin 2018, la pièce est une digression à la fois convenue et ennuyeuse sur les thèmes de la mort, de la déchéance et des regrets. Loin d’égaler les pièces précédentes de Lars Noren (Kliniken, Démons) on vous conseille plutôt de passer votre chemin…
Pièce chorale mais sans voix
Dans un dispositif qui rappelle passablement Kliniken, onze personnages sont réunis sur scène. Ils sont tous désignés par des initiales (H, C, G ou E etc.) sauf un, Marilyn, la fille handicapée mentale de E dont la « simplicité » d’esprit et de cœur est semble-t-il censée apporter réconfort aux autres… Dans les faits, cela ne marche pas vraiment et donne surtout lieu à des scène très gênantes.
Ils sont tous réunis dans une sorte de centre de vacances délabré, un endroit dans lequel ils ont l’habitude de se rendre chaque année et de se retrouver. L’ambiance est toutefois plus « mouroir tranquille » que Club Med. Ici, on regrette sa vie passée, on la ressasse et on attend avec impatience presque la fin, la mort.
Progressivement, chaque personnage nous gratifie de bribes de son expérience personnelle et de réflexions franchement convenues sur le passage du temps, les ravages de la vieillesse et donc, la mort.
Loin d’égaler les réflexions des pensionnaires éternels de La montagne magique de Thomas Mann, les répliques des personnages de Lars Noren sont pauvres et constituent au mieux une collection de propos sur la vieillesse déjà entendus mille fois au théâtre et au cinéma (voir Amour et Happy end de Michael Haneke notamment).
Assez logiquement, aucun des acteurs présents sur scène ne parvient à briller ou à nous toucher. Et pourtant, l’institution française a mis le paquet puisque sont notamment distribués Dominique Blanc, Didier Sandre et Danièle Lebrun. Dommage…
« Je n’aurais pas pu écrire ce texte avant d’avoir l’âge que j’ai aujourd’hui. Je suis moi aussi dans les dernières années de ma vie et cette pièce me permet de faire face à mes propres inquiétudes et à mon propre chemin. C’est une pièce sur la fin, sur les au-revoirs, sur les souvenirs. Une pièce belle et mélancolique qui ne cesse de parler de la vie » – Lars Noren
On comprend aisément que Lars Noren, Suédois né en 1944 soit obsédé par l’idée de la mort (surtout de la sienne). Mais ce qui est justement regrettable dans Poussière c’est l’absence d’originalité du propos. Tout est convenu, attendu voire téléphoné (voire la scène où le personnage de Hervé Pierre, gagné par la sénilité, s’exhibe nu sur scène…). Il est regrettable que Lars Noren, un esprit qu’on sait fin et cultivé, ne soit pas parvenu à écrire quelque chose de plus pertinent sur cet évènement -la mort- auquel nous devrons tous faire face (oui, ça aussi c’est convenu).
Scénographie grisâtre
Sur la forme, la scénographie de Gilles Taschet est aussi ennuyeuse, grise et quelque part prévisible que le fond. Evidemment, quelque part, c’est voulu. Ces personnages sont gris, délavés, épuisés par la vie et en attente d’être délivrés.
Evidemment aussi (et malheureusement), c’est assez laid. Pire, c’est inintéressant. Les costumes sont des loques grisâtres, le fond de scène est peint de la même couleur et rien de tout cela n’évolue du début à la fin du spectacle. Seule tentative de vraie scénographie : un rideau translucide derrière lequel passent les personnages qui meurent un à un… et se contentent de faire ce qu’ils faisaient déjà quand ils étaient “vivants” : errer et déblatérer. Non seulement cette idée du rideau pour signifier les limbes n’est pas originale mais, surtout, les metteurs en scène Roméo Castellucci et Julien Gosselin sont déjà passés par là et la comparaison n’est pas à l’avantage de Poussière.
Bref, une pièce difficilement conseillable à d’autres personnes que vos grands-parents en visite sur Paris souhaitant absolument « aller au Français ».
Poussière écrit et mis en scène par Lars Noren à la salle Richelieu de la Comédie Française jusqu’au 16 juin 2018. 2h.