Dans ce nouveau biopic, Gus Van Sant s’empare de l’autobiographie du caricaturiste John Callahan. Ce portrait au genre “mainstream-préfabriqué” réconcilie toutefois le spectateur et le cinéaste avec un casting au sommet.
John Callahan est alcoolique depuis ses 13 ans, cloué dans un fauteuil roulant depuis un accident de voiture et n’a aucunement l’intention de divorcer de la boisson. Un jour pourtant, il se décide à assister à une réunion des Alcooliques Anonymes. Les réunions, orchestrées par le parrain Donnie, sont peuplées d’anonymes en détresse. Les témoignages sont ponctués de larmes, de fous rires parfois. Dans sa course vers la guérison, John Callahan se découvre un talent salvateur : le dessin satyrique.
Rétrospective Gus Van Sant
La filmographie de Gus Van Sant, contient ses classiques ! La tétralogie de la mort composée de Gerry (l’antagonisme du film hollywoodien), Elephant (couronné de la Palme d’Or au Festival de Cannes en 2003), et deux autres bijoux tant surprenants que symboliques dans le tournant de la filmographie du cinéaste, Last Days et Paranoid Park. Avant cela, comment oublier Will Hunting, le film aux 2 oscars acclamé par la critique ? En 2008, vient la consécration avec Harvey Milk. Biopic grand public au succès international. A contrario en 2015, Nos Souvenirs connut un échec commercial.
Cette rétrospective n’est pas sans contextualiser la réalisation de Dont’ Worry, He Won’t get far on Foot. Le 17ème film du réalisateur était attendu au tournant. Déjà, on retrouve dans ce film quelques ingrédients chers à Gus Van Sant. Le choix d’un biopic peut laisser supposer une tentative de réconciliation avec le grand public. Les retrouvailles avec Joachin Phoenix, plus de 20 ans après Prête à tout, confirme la fidélité du metteur en scène envers ses acteurs fétiches. Aussi, il y a la forme du film, caractérisée par l’absence totale de structure linéaire, dont le temps se traduit par le montage et non la narration. Gus Van Sant, aime jouer des artifices du cinéma. Dont’ Worry, He Won’t get far on Foot ne déroge pas à la règle.
Malgré le rôle de Rooney Mara, bien campée dans son personnage de petite amie dévouée mais dépourvue de subtilité, le film peut se féliciter de son casting surprenant. Joachin Phoenix, toujours épatant, livre une performance sur mesure de ce dessinateur aux multiples facettes. Dans les rôles secondaires, on retrouve la chanteuse Beth Ditto ou encore l’incontournable Jack Black qui nous offrent chacun des moments de grâce, sur le fil de l’émotion et de la folie savoureuses. La première place du podium va tout droit à Jonah Hill dans le rôle de Parrain.
Tout ce qu’on ne saura jamais sur John Callahan
Outre la mise en scène et les acteurs, il y a le sujet : John Callahan. Le film, comme évoqué plus haut, retrace dans une narration dépourvue de temporalité linéaire la survie d’un alcoolique devenu tétraplégique à la suite d’un accident de voiture. Alcoolique, irrévérencieux, pathétique. Indescriptible autrement que par ces termes ou leurs synonymes. Le film met en avant l’attitude autodestructrice, les sautes d’humeur de cet homme désespéré enfermé dans la spirale de la boisson. Le scénario met en scène le personnage sous toutes ses facettes durant les étapes clés de sa vie. Un regret pourtant : le fait que la dimension engagée des dessins grinçants et savoureusement insolents de l’artiste ne soit que peu évoquée. Le film traite davantage de la désunion entre John Callahan et l’alcool, de son intégration chez les Alcooliques Anonymes et finalement de sa rédemption.
Les Alcooliques Anonymes à l’honneur
Enfin, au dépend de certaines séquences qui s’éternisent dans une émotion et un pathos superficiels, le film peut se féliciter d’avoir rendu bien des hommages. Hommage au dessinateur et à son parcours. Hommage au programme des Alcooliques Anonymes, dont certaines séquences l’illustrent avec respect et justesse, rendant compte de son extrême importance. Hommage aussi à Robin Williams, à qui Gus Van Sant dédie le film. Ce dernier lui doit l’idée d’adapter l’autobiographie de John Callahan. Robin Williams avait d’ailleurs acquis les droits sur son oeuvre.
En dépit de quelques réserves, concernant, entre autre, l’héroisation parfois injustifiée de John Callahan, Dont’ Worry, He Won’t get far on Foot mérite une révérence. Le brassage entre biopic-hollywoodien-grand public et genre mainstream suscite parfois l’incohérence, mais le casting et son panel de personnages forts sans cesse ravive la flamme du film. Curieuse entité du 7ème art, à prendre ou à laisser.