Premier long-métrage de la cinéaste syrienne Gaya Jiji, Mon tissu préféré propose une plongée dans le quotidien d’une syrienne, au tout début de la guerre civile, en mars 2011. Mêlant images d’actualité de l’époque et fiction centrée sur les rêves et les tourments de sa principale protagoniste, le film explore avec tact la pénétration du politique dans l’intime.
Tourné à Istanbul l’an dernier, Mon tissu préféré, présenté dans la section Un certain regard de la sélection officielle, se déroule dans le Damas de mars 2011, comme si rien ne s’y était passé. Nahla, 25 ans, vit dans un appartement avec sa mère et ses deux sœurs, Myriam et Line. Des révoltes éclatent, les forces de l’ordre tirent à balles réelles sur les manifestants, on en parle à la radio et à la télévision, mais on pense que ce sera vite passé, même si la vie continue, il faut quand même se préparer à plier bagage.
Pour s’évader, Nahla met en scène ses histoires d’amour. Elle tente de fuir grâce à un mariage arrangé, qui ne l’arrangera finalement pas. Prise au piège à bien des endroits, elle s’en tire toujours avec la même malice qui force l’admiration. Film d’amour, film de guerre, la balance est difficile à faire. La lumière, la photographie, les aller-retours incessants entrecoupés d’images d’archives et de séquences tournées à la GoPro nous rappellent que rien n’est plus normal à présent.
Le jeu magistral de l’actrice Manal Issa emporte tout. Nahla, éprise de liberté, se retrouve être le miroir de la situation de son pays. A chaque instant, la frontière entre la fiction et l’autobiographie semble se brouiller et cette question revient sans cesse. Le bruit des bombes, la voix du dictateur syrien, les doutes de la population se mêlent parfaitement et subtilement à ce récit inédit. On regrette parfois la multiplication des histoires parallèles qui nous perdent, mais c’est pour mieux venir nous rechercher. Le sentiment intense d’avoir appris quelque chose, d’avoir compris quelque chose, comme la solution d’une équation difficile, emporte tout.