CINÉMA

The Bold Type – De la pop-culture intelligente et éducative

De l’amitié, des choix financiers réalistes et des engagements professionnels, mais surtout une subtile dose d’opinions politiques assumées et toujours un sentiment de feel-good et d’empowerment. Sur un ton, de première apparence, acidulé et léger, The Bold Type se dévoile au fil des épisodes comme une série sur le passage à l’âge adulte, suffisamment courageuse pour affronter différents tabous de société.

 

La bande-annonce est « punchy », bien rythmée et accrocheuse. On peut s’attendre à une série sur l’amitié féminine, comme on en a déjà vu, superficielle et glamour. Des filles gâtées en talons aiguilles dotées d’un job de rêve et à la recherche du Grand Amour. Le premier épisode semble confirmer ce cliché, avant de gagner en profondeur. On découvre rapidement des femmes bienveillantes qui s’écoutent et qui discutent, en amitié tout comme dans la vie professionnelle, sans pour autant angéliser tous les personnages.

Des personnages principales maîtresses de leur destin

Les personnalités ne sont pas reléguées au second plan, crédibles et travaillées malgré les nombreux personnages. Les trois protagonistes, des jeunes femmes devenues amies sur leur lieu de travail, le magazine féminin Scarlet, ne se ressemblent pas et se complètent. Sutton occupe un rôle subalterne, Jane vient d’être officiellement promue journaliste, et Kat est à la tête des réseaux sociaux.

Dans cet univers complexe, difficile, mais pas impitoyable, agréable mais pas idéalisé, ces trois jeunes femmes tentent de préserver leur conscience morale et s’interrogent sur la nature des relations à nouer avec leurs supérieurs. A travers diverses situations, se posent des questions auxquelles nous sommes tous confrontés au cours de notre existence : doit-on suivre sa passion ou agir selon sa raison ? Réaliser ses rêves d’enfance coûte que coûte ou saisir des opportunités imprévues ?

Sutton, Jane et Kat. Crédits : compte Instagram de la série

 

Aucune vérité n’est assénée dans cette saison 1, les personnages trouvent les réponses à leurs questionnements dans leurs propres expériences. Peut-on être hétéro et tomber amoureuse d’une femme ? Être racisée et ne pas comprendre la violence des discriminations subies par les musulman.e.s vivant dans l’Amérique contemporaine ? Ecrire pour un magazine féminin sans avoir jamais eu un seul orgasme de sa vie ?

Problématiques religieuses, sexuelles et financières se mêlent sans jamais plomber le récit. Cette série d’apparence superficielle prend le risque d’aborder les thèmes difficiles de la pression sociale véhiculée par les magazines féminins, de la sexualisation du corps de la femme au sein de l’espace public, du racisme et du sentiment anti-migrants, du cancer du sein, du cyber-harcèlement ou des agressions sexuelles. Des sujets encore trop rares au cœur de la plupart des séries, où les mots « clitoris », « viol » ou « avortement » demeurent tabous. Le mot « féminisme », lui, est clairement revendiqué par les héroïnes.

Ludovic, spectateur de la série, émet pourtant quelques critiques quant à certains choix scénaristiques : « Le terme bisexualité n’est jamais utilisé dans la série ce qui est hallucinant. On dirait presque qu’il n’existe que les gay et les hétéros ». Un de ses principaux reproches envers la série porte sur son absence de traitement concernant le « body-shaming » ou la diversité corporelle des mannequins : « A l’heure où les grands magazines mainstream comme Elle promeuvent des mannequin plus-size (Ashley Graham par exemple), il est assez étonnant de voir qu’une série qui se revendique et qui base son marketing sur l’inclusivité et la diversité a complètement raté le coche sur l’un des sujets les plus importants de ces dix dernières années dans le monde la mode ». La série a beau se dérouler au sein d’un magazine de mode, cet univers est vaste, et elle échoue à en développer tous les aspects en une saison.

Sutton et Alex. Crédits : compte IG de la série

Pourtant, The Bold Type réussit sans faillir à relever l’estime de soi du spectateur. Les personnages, par leurs actions et pas seulement par leurs paroles, assument leurs envies et leurs besoins malgré les doutes et les risques. C’est également ce que pense Céleste, qui attend impatiemment la saison 2. « Entraînante » ou « pétillante » sont des termes qu’elle utilise pour décrire The Bold Type, toujours agréable à visionner  : « Tu peux la regarder dans les moments de gros bad, parce que tu t’identifies aux actrices qui jouent vraiment bien ».

De chaque épisode, on ressort galvanisé, se demandant : « Pourquoi pas moi ? J’en suis capable ! ». Les sujets importants sont traités avec considération, les drames ne sont pas dramatisés. Céleste affirme : «  Ça traite de sujets sérieux, mais également de sujets de la vie courante (les mecs, les disputes entre potes, etc) ».

De gauche à droite : Sutton, Kat, Jacqueline (la rédactrice en chef de Scarlet, et Jane. Crédits : compte IG de la série

Le traitement des personnages dans leur ensemble est cependant sujet à débats, Ludovic qualifie les personnages secondaires d’ « inintéressants » et les personnages masculins d’ « inutiles », sans pour autant tomber dans les clichés des séries féminines. Pas de « fuckboy ni pervers narcissique, et une certaine bienveillance émane de tous les personnages masculins, cassant le mythe des femmes n’aimant que les hommes mystérieux ou qui brisent leur vie », tandis que Céleste déclare que ça la fait « un peu rêver (super amitiés, mecs très mignons, la ville de New York…) » sans jamais trop s’écarter de la « réalité, pas comme Gossip Girl  », précise-t-elle, ce qui nous laisse nous imaginer « à leur place ».

Justesse et subtilité

Sans oublier les divers aspects politiques, traités avec justesse et subtilité. Les prises de position sont discrètes, loin du parti-pris assumé mais parfois trop lourd et dénué de critique constructive. On pense à la série Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, où un montage de début d’épisode empile diverses caricatures et critiques express à l’encontre de Donald Trump, sans réellement creuser artistiquement le sujet par la suite. Un électeur de Trump n’en ressortirait sûrement que plus convaincu.

Les trois protagonistes à Central Park. Crédits : compte IG de la série

Dans The Bold Type, des scènes concrètes de la vie quotidienne dénoncent implicitement les divers changements qui secouent l’Amérique, suscitant l’émotion et la réflexion de tout spectateur. Ludovic évoque comme «  l’une des meilleures scènes » de la série celle où Kat, jeune femme métisse privilégiée, défend de manière impulsive son amie iranienne victime d’injures raciales.

Ainsi, les choix scénaristiques restent crédibles, ne prétendant pas présenter des évolutions de société ou des décisions de vie objectivement compliquées comme évidents et légers dans le but ostensible de les démocratiser. Par exemple, dans la série Crazy Ex-Girlfriend, l’héroïne Rebecca fait don d’un ovocyte à un ami gay, et la grossesse est menée de manière presque inconséquente par une autre amie. On a du mal à croire à tant de désinvolture face à des choix nécessitant d’importants engagements.

Ces trois séries se revendiquent ouvertement féministes, mettant en scène des personnages féminins divers et plus ou moins indépendants, mais en constante évolution. Mais en l’espace d’une saison, The Bold Type parvient à convaincre par son ton mêlant rire et sérieux.

The Bold Type est diffusée par Freeform aux Etats-Unis et disponible sur Amazonvideo en France.

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