CINÉMA

« Mobile Homes » – À la dérive

Le premier film de Vladimir de Fontenay sort ce mercredi.

Vladimir Fontenay signe l’épopée d’une mère à la dérive, qui se perd, qui se cherche, et qui nous bascule dans un monde où prendre ses responsabilités équivaut à un véritable challenge de vie. Mobile Homes est un film sur l’apprentissage, une éloge sincère qui s’adresse à nous tous, âmes un peu bancales.

Un On the road infernal

Le trio est présenté d’emblée : Ali, une jeune femme qui sort tout juste de l’adolescence, son fils Bone de 8 ans et Evan, celui qui dirige la troupe et avec qui elle partage un amour charnel. La première partie du film retrace leur allers-retours à bord d’un van, dealant coqs de combat, cocaïne et autres marchandises. Evan marque les rendez-vous, Ali l’aide et Bone sert de caution pour les restau-baskets. Le quotidien est éprouvant et les nuits aux motels insalubres s’enchaînent.

En fond de toile, l’hiver canadien et des agglomérations dépeuplées, des maisons mobiles vides et ce besoin incessant de trouver un foyer. Un sentiment d’abandon pèse dans les premières minutes du long-métrage et s’alourdit jusqu’à son point extrême : le combat de coq. Evan demande à Bone de faire circuler de la cocaïne dans un pub malfamé où s’entretuent des volatiles et où se succèdent les paris. Ali a sursaut maternel et sauve in extremis son fils. C’est le brusque réveil. Il fait réaliser à la jeune maman que la liberté insouciante qu’elle touchait du bout des doigts n’était que le début d’un long cauchemar.

Bone dans Mobile Homes – © Nour Films

 

“Mais de quelle planète venez-vous ?”

Le film bascule alors dans une atmosphère plus paisible qui laisse place à l’espoir. Ali et Bone rencontre un homme qui tient un parc de mobile-home. Ce dernier leur offre la possibilité de ré-intégrer un groupe social, certes un peu hippie mais stable. Ali s’accroche à un travail dans lequel elle s’investit et se rend compte qu’elle désire voir son fils s’épanouir dans sa jeunesse. Car ce film, c’est un peu la peur de passer l’étape adulte, de prendre conscience. Jusqu’à sa rencontre avec le gérant, Ali ne joue absolument pas le rôle de la mère mais plutôt celui d’une grande sœur pas très responsable. Bone lui, illustre le parfait paradoxe avec cette mère qui ne veut pas grandir. Le film ouvre sur ce gamin dans une salle d’attente qui tripote les jouets mis à sa disposition mais qui ne joue pas, qui donne l’impression de ne pas savoir jouer. Il sauve sa mère des griffes d’Evan, s’occupe d’elle. Quand Ali prend ses responsabilités, Bone redevient doucement un enfant et apprend à s’amuser. Le duo mère/fils que nous peint Vladimir Fontenay avec douceur est un duo étrange, presque sauvage, trop plein d’amour et de complicité, qui doit apprendre à retrouver un équilibre avec le monde qui les entoure.

Imagen Poots dans Mobile Homes – © Nour Films

 

Un rehab à part

L’évolution d’Ali, superbement interprétée par Imogen Poots, c’est un peu celle d’une toxico qui tente de joindre les deux bouts. Devenir mère et fuir les vices, le rêve et cette liberté utopique est l’enjeu de la jeune femme. Elle tente de rentrer dans les rangs, de s’occuper de son fils, mais une visite d’Evan suffit à la faire rechuter. Voler un mobile home, s’enfuir, vivre enfin dans une maison… Ali hésite, refuse, puis cède. Elle embarque une nouvelle fois l’enfance de Bone avec elle, dans son insouciance si délicieuse, et les mène presque à leur perte. Le film s’achève sur une femme épuisée, qui n’arrive plus à se battre et qui se perçoit elle-même comme un poison. Ali prend une décision drastique pour préserver son enfant : véritable preuve d’amour maternelle ou acte lâche ? C’est en tout cas sur une silhouette déchirée par la douleur et hagarde que se termine la séquence.  Avec justesse et à l’aide de nombreux plans qui laissent entrevoir une poésie presque surréaliste, le réalisateur s’efface de l’enfance compliquée à la Larry Clark et ouvre sur une vision plus marginale de ce qu’est le roadtrip de la vie, que nous parcourons tous à un moment donné.

Et si finalement, cette maison mobile c’était nous ?

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