Après avoir été repéré par les Inrocks récemment, le bordelais TH Da Freak se voit coller l’étiquette “slacker”. Mais sa musique n’en reste pas moins puissante et profondément sincère. La preuve avec The Hood, son nouvel album sorti en mars.
Dans TH Da Freak, c’est Thoineau (TH), un drôle d’oiseau (Da Freak), qui mène la danse. Quatre autres camarades l’entourent, dont son frère à la basse. Artiste au cœur de la scène bordelaise émergente, il a choisi ce pseudo aux consonances faussement gangsta, ce qui en dit déjà bien long sur son compte.
Un slacker, c’est quelqu’un qui fait du slacker rock. Mais dans une acception tout autre, c’est un fainéant, un branleur, un type qui n’en a rien à foutre. Si le premier sens est en partie juste quand il s’agit de TH Da Freak, le deuxième est complètement à côté de la plaque. TH est prolifique, bosseur et passionné.
Dès la première écoute et le premier visionnage de clip, les influences nineties sont bel et bien flagrantes, de Sonith Youth à Nirvana, en passant par Pavement. Une touche lo-fi à la Mac Demarco ajoutée à cela, et vous avez presque cerné TH Da Freak. Mais l’inspiration ne s’arrête pas là, bien sûr. Thoineau mentionne R. Stevie Moore, un « geek des années 1970 » ultra prolifique qui construit sa musique en solitaire, sans se soucier d’en faire un objet commercial.
Sincère jusqu’à la moelle
Compositeur de sa musique, parolier de ses morceaux et réalisateur de ses clips, TH fait tout à sa sauce et avec une maestria venue d’ailleurs. The Hood, album enregistré en quelques jours, comporte de très bons titres dont certains ont l’allure de tubes, sans presque le vouloir. Ce dernier album paraît bien sage lorsqu’on connaît l’énergie et la puissance lâchées à grands chevaux lors des concerts.
Les morceaux sont écrits dans l’instant, dans le sentiment du moment. Le touchant Moon Mate est né d’une soirée à regarder la lune sur un toit en compagnie d’un ami. Dans Bored, c’est le sentiment tout entier qui vient à nous et nous pénètre. Il est l’un des titres les plus étonnants de simplicité et de justesse. Des accords traînants, une voix bercée par la lassitude, tout fait écho à notre intériorité. Bored, c’est l’empreinte d’un instant T, c’est la trace d’une une bulle qui a mis plusieurs instants avant d’éclater. I Don’t Understand révèle le silence du monde face à notre regard. Si on a l’impression de soulever ici un des plus grands problèmes philosophiques de l’Humanité, TH Da Freak nous rassure, de toute façon c’est à n’y rien piger. The Hood, résume peut-être cela, le fait d’être à poil face au monde.
« J’aime faire de la musique avec des gens qui sont passionnés »
L’homme aux cheveux bleus – non, verts. Enfin on ne sait pas trop, ce débat divise la communauté – s’entoure de gens tous aussi passionnés. Manager, musiciens, ingés son de tournée, le collectif bordelais Flippin’ Freaks… beaucoup le suivent et le soutiennent dans son projet, souvent gratuitement. Lors du mot de la fin, TH n’oublie jamais de se montrer reconnaissant envers tous ceux qui lui ont permis de jouer.
Un slacker sachant slacker
Sans langue de bois, TH dit ce qu’il pense. Techno BullS**t en est la preuve. « Titre en hommage à ce type qui, en soirée, met de la techno alors que tout le monde écoutait du rock tranquillement depuis deux heures et qui fait chier tout le monde » explique-t-il. C’est aussi une ode à toute la techno merdique qui prolifère aujourd’hui.
TH Da Freak sacré slacker de l’année, devient une blague qui tourne entre les membres du groupe. Terme au départ choisi par les médias pour le définir, Thoineau se le coltine maintenant depuis plusieurs mois, à grands éclats de rire. L’ironie vient aussi du pseudo gangsta du groupe, accent que l’on retrouve dans le titre de l’album et dans certains titres. The Hood, c’est la téci, et pour Thoineau la téci se résume à Caudéran, quartier résidentiel en périphérie de Bordeaux.
See ya in da hood
Un peu comme Marty McFly se déchaînant sur Johnny B Good devant le bal de promo de 1955, TH Da Freak a été époustouflant durant la release party, tandis que le public tapait légèrement du pied en dodelinant de la tête. Preuve que le public n’est peut-être pas encore prêt.
Entre les titres du dernier album, quelques morceaux plus anciens ont été joué. Pack Of Smokes a été allongé, distordu et expérimenté dans tous les sens durant plusieurs minutes. Du début à la fin, l’énergie dégagée était pourtant contagieuse, puissante et directe. Seuls les happy few ont su apprécier à sa juste valeur le show de TH Da Freak.