ART

« Los Modernos » – La femme comme origine de l’identité artistique mexicaine

L’exposition “Los Modernos” au musée des Beaux-Arts de Lyon propose un véritable voyage culturel mené au cœur du dialogue franco-mexicain du XXème siècle.

C’est un parcours surprenant que nous dédierons au voyage, à cet avant-gardisme parfois militant, puis à la grâce féminine et aux courbes d’un corps qui ont fait l’histoire de deux nations.

Voyage féminin

Picasso, Nu aux bas rouges, 1901

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le tableau de Pablo Picasso s’avère être aussi surprenant que celui de Franciso Zúňiga. La femme pulpeuse et sensuelle de la culture européenne dépeint par Picasso rivalise avec une femme forte et vigoureuse au corps masculinisé, net et imposant. Cette peinture mexicaine s’articule autour de plusieurs thèmes, la femme apparaît comme étant la sentinelle de nombreuses images. Zúňiga peint des femmes fortes, aux épaules carrés et aux visages fermés. Derrières ses deux femmes une porte ouverte laisse probablement entrevoir le vide, le désert, le désespoir qui les submerge, ou tout simplement une envie de s’évader en oubliant toutes contraintes possibles et imaginables ; une envie de voyager ?

Diego Rivera, Quai des Grands-Augustins, 1909

 

Une envie de voyage qui nous est transmise par un certain Diego Rivera, fondateur de nombreux mouvements, à l’image de son ami André Breton ayant élaboré avec lui, Frida Kahlo et Trotski les fondations même du surréalisme. En effet, l’exposition LOS MODERNOS met à l’honneur de nombreuses œuvres de Rivera, de nombreuses peintures de paysages comme celle de notre belle ville Paris. Cette ville dont Diego est amoureux, traduisant quant à elle un contenu classique de part le fond, contrairement à la forme qui elle annonce les prémices d’un nouvel air artistique sud-américain

La Femme dans tous ses états !

Les portraits de femmes ne sont pas seulement symboliques de force. Ils révèlent parfois une grande sensualité du corps. On remarquera que la femme mexicaine est très esthétisée et matérialisée comme nous le témoigne la photographie ci-dessous. Le corps de la femme mexicaine est absent de toute pudeur dans ces clichés, elle est le symbole d’une sensualité et d’une force sans précédent. Celles-ci accentuent l’imaginaire masculin et agrandit le désir de l’Homme pour le corps de la femme.

Henri Cartier-Bresson, Prostituées, 1934

 

Les ouvertures nous font facilement penser à des cadres et la surprise est d’autant plus belle car la femme de gauche semble sortir de son propre tableau. Les visages sont peints avec le plus grand soin. On est loin de la conception masculine voire androgyne de la femme mexicaine. Cette photographie nous replonge au cœur d’une sensualité esthétique presque théâtrale.

Diego Rivera, Nu de Frida Kahlo, 1930

 

Le portrait de Frida Kahlo peint par Diego Rivera est étonnamment humble et modeste. Il s’agit d’une scène intime qui épouse la sensualité européenne et la beauté masculine de la femme mexicaine. On retrouve des attributs typiquement féminins tels que les chaussures à talons, les bas et le collier. L’érotisme de la scène contraste avec la pause affirmative de Frida. Celle-ci semble se rattacher les cheveux comme si il s’agissait d’un acte de fin. Malgré la grande douceur et légèreté de la scène, la femme reste maîtresse de l’instant.

Comme dit précédemment, quelques parties de l’exposition sont consacrées à l’art de la photographie, à la capture de ses instants uniques ravivant la flamme d’un souvenir oublié, enfantin, et parfois même douloureux.

Alvarez Bravo, El sueño de los pobres 2, 1949

 

Il photographie une liberté du corps de la femme assumée à l’image des Prostituées, ou bien une précarité néfaste à cette nouvelle jeunesse qui voit le jour, faisant contraste avec cet optimisme salutaire, mais une précarité bel et bien réelle. Egalement, une révolte ferme et pleine d’envie capturée dans l’objectif de notre cher Manuel Alvarez Bravo. De nombreux artistes rejoignant le cercle convergeant sud-américain LOS MODERNOS, dépeignent à travers un noir et blanc nacré et anthracite, une nature humaine malgré tout amoureuse de la vie. Une nature humaine se tordant de douleur face à un mal-être intérieur, à l’image d’une peine de cœur. Ou bien un mal être extérieur à l’image de nombreux problèmes de société touchant le citoyen à même la chair.

Ce qui est sûr ici c’est que le photographe mexicain y est célébré à sa juste valeur, il a su jongler toute sa vie entre réalisme et surréalisme. La mise en scène de ses clichés y est inexistante, il ne fait qu’un avec le sujet qu’il traite. Les émotions transpirent en ravivant de nombreux souvenirs liés aux mœurs de ce pays.

Des gravures militantes ont elles aussi vu le jour à l’initiative entre autres de Leopoldo Mendez avec sa Piñata Politica qui mêle critique du nazisme et critique de son gouvernement dès 1933. Ces artistes peintres s’engagent en dénonçant l’actualité qui touche leur pays. Cette affirmation de la culture mexicaine passe par un engagement artistique dépeignant l’actualité du monde.

Leopoldo Mendez, La Piñata Politica, 1936

 

Un nouveau surréalisme avant-gardiste, empreint d’esthétisme et d’évolution liés aux voyages

Diego Rivera représente l’Homme qui traverse les générations en touchant à tous styles de peinture, de son cubisme New-Yorkais à son surréalisme lié à Breton. Ses tableaux se détachent de plus en plus de la réalité et deviennent même organiques, à l’image du tableau qu’il peint pour rendre hommage à son ami André Breton, cité précédemment. Il casse ce mur de verre. Avant d’être en partie décrit par Apollinaire, ce surréalisme se développait bien avant 1938.

Diego Rivera, Vasos Communicantes, 1938

 

Frida Kahlo est en harmonie totale avec son mari Diego Rivera. Ils ont su depuis le début allier l’amour des nouvelles courbes et celui de la courbe originelle de la femme qui les a réunis tout en les détruisant. Ces deux artistes ont réellement su ce que le partage et le voyage signifiaient. Le voyage, en plus de permettre au souvenir de s’installer, permet créer de nouvelles visions de la courbe inédite pour l’époque. Ainsi, la vision qu’ils se font de la réalité est la même à première vue, cependant l’avant-gardisme envahit la ligne, car la sensibilité éprouvée à la vue d’un paysage différent de leur Mexique natal fait varier la courbe, la taille du tableau ou tout simplement les couleurs. L’artiste, lors de son voyage, se sent au plus près de sa propre réalité explorée, ce qui rend l’oeuvre unique.

Frida Kahlo, View of Central Park, 1932

 

Les artistes ont parfois exagéré la notion d’esthétisme féminin. Ils ont repoussé les frontières de l’esthétique pour atteindre les profondeurs de leur subconscient. La femme devient alors représentation de tout un monde coloré, fantastique et futuriste tel que nous le démontre le tableau ci-dessous.

Dr. ATL, Nahui Ollin : portrait futuriste, 1921

 

C’est un tableau qui laisse libre court à l’imagination du spectateur. Les couleurs chaudes et vives nous rappellent l’importance de l’art populaire mexicain et de son inspiration précolombienne. Néanmoins, le monde dans lequel cette femme fantasmée semble émerger est autre. Le dialogue franco-mexicain aboutirait-il à un accord ? Ou bien s’agit il de créer un monde autre, indépendant et idéal regroupant une culture universelle ?

Cette exposition rend hommage à un art mexicain avant-gardiste, s’étant constamment servit de ses aînés sud-américains et autres confrères étrangers. Ils ont su faire vibrer la corde sensible de l’art nouveau en employant des formes, des courbes, des concepts et des couleurs empreintes de vivacité, de force, d’intelligence et d’indépendance, c’était “Los Modernos”.

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