CINÉMA

« Calls », on décroche

À l’automne 2017, Canal+ a lancé une nouvelle série innovante, Calls. Le concept est inédit : des enregistrements audio à écouter dans le noir, nous plongeant dans une suite de récits de science-fiction. Une idée géniale, un début accrocheur, un final décevant.

Charlotte Le Bon, Kyan Khojandi, Jérémie Elkaïm… Les visages qui s’affichent éphémèrement durant les secondes d’introduction au premier épisode de Calls annoncent une perspective alléchante. « Vous allez regarder la première série qui s’écoute », prononce l’actrice Fanny Sydney d’un air mystérieux. L’un après l’autre, ils prononcent quelques phrases solennelles, destinées à plonger le spectateur dans une ambiance intimiste, et, déjà, un peu oppressante.

Un bon début, un final navrant

Quand le récit de fiction débute, on se retrouve au téléphone entre Paris et New York, en 2028. Une simple discussion de couple. L’intrigue évolue, d’autres coups de fil, d’autres personnages entrent en scène, une situation presque banale mais qui suscite toujours l’intérêt. Puis les dialogues font surgir des zones d’ombre, l’angoisse monte, on oublie ce qu’il y a autour de soi pour mieux saisir toutes les nuances du jeu des acteurs… Et puis patatras. L’épisode s’achève dans un récit apocalyptique auquel on n’accroche pas.

Ainsi pourraient se résumer presque tous les épisodes de la saison 1 de Calls. Un bon début, une mise en scène captivante, une succession de péripéties… et un final navrant. Au fil des épisodes, c’est même de la lassitude qui s’installe. Le « pitch » est presque toujours le même, pointant l’aspect réducteur d’une série audio : le personnage principal est dans une situation dangereuse, la personne au bout du fil garde son calme, le conseille, le guide : « Abritez-vous, changez de pièce, ne paniquez pas »… Un scénario semblable dans la quasi totalité des épisodes.

On retiendra particulièrement les épisodes 2 et 3, les plus captivants. Dans le premier, c’est une virée en plongée sous-marine. Les émotions et les découvertes sont très bien communiquées au spectateur, qui se sent immergé au cœur des océans. Mais l’épisode s’achève sur un retournement de situation brutal, que l’on peine à comprendre, même en finissant la série. L’épisode 3 a pour protagoniste Sara Forestier, au bout du fil avec la police lors d’un cambriolage qui dégénère. La tension est presque constante au fil de l’épisode, et l’actrice nous séduit par sa palette de jeux, même si la vraisemblance du récit reste discutable sur certains points.

Science-fiction apocalyptique

Le fil rouge de la série consiste en une succession d’événements apocalyptiques, et pour en saisir de nombreux éléments, il faut parvenir au dernier épisode. Ce n’est pas toujours facile, quand cela fait déjà deux ou trois fois que vous hésitez à terminer les précédents, qui vous relatent des oiseaux gigantesques attaquant un avion, un attentat terroriste improbable, ou des parents amoraux et meurtriers.

Le dernier épisode, où figurent Marina Foïs et Jérémie Elkaïm, est tout à fait décevant. Quatorze minutes au cours desquelles on se demande réellement si quelqu’un pourrait y croire une seule seconde. Si l’une des forces de la série consiste en l’émotion communiquée par les personnages et l’attachement qu’elle procure au spectateur, cet effet manque à l’épisode final.

Une ligne directrice relatant des événements catastrophiques en 2028 forme la colonne vertébrale de la série, mais celle-ci se brise lors d’épisodes totalement extérieurs à ce fil rouge, nous laissant dans l’incompréhension. C’est pourtant ce qui aurait pu être intéressant, des histoires différentes à chaque fois. Mais l’une des limites du concept de série audio aurait été encore plus marquée qu’elle ne l’est déjà dans Calls : dix à quinze minutes sans images, ça peut être très long. Des appels téléphoniques qui s’éternisent, des rebondissements trop soudains et irréalistes, des ressemblances lassantes au cours de la saison…

Finalement, ce qui semble manquer principalement à Calls, c’est la maturité. La maturité dans l’écriture, déjà, où les personnages seraient plus travaillés, le récit plus réaliste et accrocheur. Mais aussi la maturité dans l’audace. La science-fiction n’est pas un genre facile, mais l’un de ses buts est de faire croire à la probabilité des faits relatés. Calls semble ne pas avoir su faire un choix entre récits fantasques et récits plus proches du réel. Résultat, on se retrouve tiraillé entre deux approches cinématographiques, et aucune d’elle n’est satisfaisante. Il est peu étonnant de constater que le créateur et réalisateur du projet, Timothée Hochet, qui s’était fait connaître en tant que Youtubeur, a seulement 24 ans. Une entreprise de production telle que Canal + aurait pu davantage l’épauler dans un processus de création difficile.

Bref, malgré un concept incontournable pour tous les cinéphiles curieux, Calls, on décroche.

 

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