Difficile d’échapper à Call Me By Your Name, le dernier long-métrage de Luca Guadagnino adapté du roman d’André Aciman.
Sorti le 28 février dernier en France, le film n’a cessé de faire parler de lui. Notamment grâce à une large présence dans les nominations des festivals et cérémonies, parmi lesquelles 4 Nominations aux Oscars, où James Ivory s’est vu attribuer une statuette pour la meilleur scénario adapté.
Été 1983, Elio (Timothée Chalamet), adolescent de dix-sept ans, passe ses vacances au Nord de l’Italie dans la villa familiale avec ses parents. Un environnement cultivé, baignant dans l’histoire, la lecture et la musique. Son père, spécialiste d’histoire antique, reçoit Oliver (Armie Hammer), un étudiant Américain d’une vingtaine d’année, pour l’accompagner dans ses recherches. Et si Elio flirt avec Marzia (Esther Garrel), il est rapidement happé par le charme d’Oliver.
Le film d’apprentissage
Call Me By Your Name est une divagation poétique, une invitation au lyrisme qui s’arrête sur un moment de vie essentiel dans la construction des protagonistes. Loin de vulgariser cet amour naissant, la caméra de Luca Guadagnino le magnifie dans le plus simple habit. Le film reste ainsi dans une permanente suggestion, comme le développe les différentes scènes de sexualité entre les deux hommes, ou par exemple, la métaphore impliquée par la scène de l’abricot. Le déroulement érige ainsi un amour puissant mais encore difficile à appréhender pour les deux hommes, culpabilisant d’abord, puis exaltant leur destinée commune.
Timothée Chalamet crève l’écran dans le rôle d’Elio. Ce caractère ambivalent, semblant tout à la fois confiant et meurtri par ses fantasmes. L’acteur donne le jour à une performance véritablement impressionnante. Contrairement au Lady Bird de Greta Gerwig qui introduit vaguement l’acteur, et ce de manière purement parodique, ici Luca Guadagnino souligne la subtilité d’un jeu qui ne demande qu’à être plus amplement exploré.
Call Me By Your Name est le récit d’une crise identitaire, une sorte de roman d’apprentissage qui nous immisce dans cet univers intime, l’exploration de l’amour et de la sensualité. Un film calme et raisonné, portant sur une étape fondamentale de l’adolescence et du début de l’âge adulte. Une quête fragile, faillible, mais qui est pourtant très belle. Ce film transporte et émeut par la sensibilité qui y est traduite.
A l’image du générique de fin où le visage blême d’Elio se retrouve traversé par la tristesse. Le crépitement du feu et le murmure de Visions Of Gideon de Sufjan Stevens nous isole de ce monde définitivement, annonçant la consumation soudaine et pourtant prévisible d’une étreinte perdue. Ce film est perpétuellement teinté d’une poésie presque insaisissable.
L’esthétique exaltée
Après Amore (2009) et A Bigger Splash (2016), Luca Guadagnino, reprend tous les codes mis en lumière dans ses deux précédents films, la sensualité, le désir interdit, puis animé progressivement par une intrigue presque divinisée. Le tout se dessine une nouvelle fois sur le fond d’une Italie fantasmée, chaleureuse et rurale, qui transmet un idéal épanouissant, balayée par les amours d’un été.
Un long-métrage raffiné et brillant, hypnotisant du début à la fin. L’assemblage du film témoigne de choix tranchés, des partis pris esthétiques intéressants : les couleurs, le grain de l’image, le jeu de miroirs autour de l’eau, d’un lac, d’une piscine naturelle, ou encore cet entrelacement romantique entre les différents langages l’italien, l’anglais et le français. Un choix également déterminant dans ces dialogues sublimés. Ce long-métrage dresse ainsi une esthétique feutrée essentielle pour plonger le spectateur dans cette ambiance.
Autour du film
Le film est également teinté de références, des inspirations manifestes qui font de ce film un témoignage édifiant des attaches cinématographiques du réalisateur. Des dialogues de Philippe Garrel repris entre Elio et Marzia, des références immédiates aux films de Renoir, Rivette, ou comme évoqué précédemment à ses propres films.
Call Me By Your Name doit aussi son succès à bande originale aux accents new wave, italo-pop, transie de temps à autres par des mélodies classiques expressives et soignées. Luca Guadagnino démontre encore son intérêt pour la musique en choisissant Sufjan Stevens pour sa musique originale. La musique prend une importance clé dans ce long-métrage, elle devient le témoin même des émotions et des mouvements des corps. Et Mystery of Love de Sufjan Stevens devient le vibrant hymne romantique de cet ensemble très cohérent.
Luca Guadagnino proposera un second film cette année avec Suspiria. Le remake du long-métrage de Dario Argento sorti à la fin des années 70. Il mettra en scène Tilda Swinton, Dakhota Johnson (déjà présentes dans A Bigger Splash), ainsi que Chloë Grace Moretz.