CINÉMA

« Sparring » – Le K.O qui fait du bien

Pour son premier long-métrage, Samuel Jouy frappe fort.

Il choisit la boxe, un sport de combat complexe qui amène à une perpétuelle remise en question. Et pour l’illustrer, un Mathieu Kassovitz tragique, dansant sur le ring avec une si belle simplicité que l’oeuvre en devient une ode poétique.

Jusqu’au dernier combat

Steve est un papa attentionné, un employé de cantine et un boxeur aux “heures sup”. Il veut offrir un avenir prometteur à son aînée Aurore, lui qui oscille entre gants de combat et balais brosse. Mais l’argent manque et surtout, les victoires manquent. Sur 49 combats, Steve en a gagné 13, perdu 30 et a encaissé les nuls sans broncher. Il pense donc n’avoir rien à perdre lorsque la possibilité de faire le sparring de Tarek M’Balek se présente à lui. Le sparring, c’est un peu le style de boxe de Steve : il encaisse les coups, apprend à avoir mal… et remonte sur le ring la fois suivante. À quarante ans, Steve est à son dernier combat et veut le faire compter. A la fois car « quelque chose en toi va mourir », mais aussi car le regard de sa fille sort peu à peu du regard de l’enfant. Cette passion qui pousse l’athlète à se réveiller des K.O et à en vouloir encore, à remettre ses gants et à se relancer dans un bras de corps perdu d’avance, ce tiraillement entre le regard des autres et l’estime de soi-même dessine un héro prêt à tout pour son dernier combat.

Sous le masque, Mathieu Kassovitz déstabilisant

Un peu bourru, recroquevillé sur lui-même, silencieux et presque rêveur, c’est le visage de Mathieu Kassovitz qui succède aux expressions tordues bien connues de Silvester Stallone dans Rocky. Derrière les traits fermés du personnage de Steve, on retrouve un homme qui défie l’échec avec grandeur. Au travers de son regard serein et de son jeu maîtrisé, Mathieu Kassovitz brille dans son rôle de grand gaillard attendrissant, un peu déboussolé. Steve croit en lui et c’est peut-être la seule chose qui le fait encore tenir debout. Les K.O successifs ne sont que les étapes du parcours et assis dans l’obscurité, on ne voit en lui que le gagnant refoulé. Les seuls qui semblent le considérer comme le boxeur raté promis du synopsis sont les autres acteurs, mais en découle néanmoins un respect sincère pour le vieux sportif. Lui qui nous regarde droit dans les yeux et nous convainc que la boxe, comme n’importe quel autre sport, est un obstacle de la vie mais aussi la promesse qu’au bout, on finit par accepter ce que l’on est.

 

Mathieu Kassovitz et Olivia Merilahti dans Sparring. Crédit : EuropaCorp Distribution

 

Un défi esthétique

Le film est beau et Samuel Jouy nous offre une qualité esthétique réussie. 1h30 de visionnage entre les coups de poing échangés et les scènes quotidiennes d’une famille de Normandie en galère. Le personnage se glisse de scène en scène, changeant de rôle, sur la bande son apaisante de Olivia Merilahti, qui joue aussi sa femme. Les paysages et décors s’alternent, de la plage déserte de l’aube au ring rouge vermeil du Casino. Si le scénario reste prévisible, et ne retrace finalement que l’histoire d’un sportif en manque d’argent et en fin de carrière, l’atmosphère poétique nous berce et installe chez le spectateur un sentiment de mélancolie qui reste jusqu’aux dernières secondes. Un film qui parvient à fouiller dans le puits des émotions et qui marque une pause dans le temps. Le temps d’une seconde, le temps d’un combat. Le temps d’une prouesse.

Celle qui nous fait comprendre que gagner n’est finalement pas le but ultime.

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