CINÉMA

Le Lion est mort ce soir – La sincérité à l’épreuve du temps

Dernière réalisation en date du « plus Français des réalisateur japonais » Nobuhiro Suwa, Le Lion est mort ce soir est un long-métrage audacieux et émouvant.

Après M/Other (1999) et Yuki et Nina (2009) Nobuhiro Suwa choisit cette fois de filmer une rencontre intergénérationnelle qui s’alambique brillamment dans une sincérité débordante, célébrant la vie, la mort et évidemment le cinéma.

La fantaisie égarée sous le soleil provençal

Dans le sud de la France, Jean (Jean-Pierre Léaud) acteur congédié lors d’un tournage s’installe un temps dans une demeure qui fut celle de son grand amour, Juliette (Pauline Etienne). Un lieu où l’acteur se trouve confronté à son passé, donnant lieu à une rencontre métaphysique avec le fantôme de cette femme perdue. En parallèle, cette nouvelle résidence se retrouve rapidement arpentée par un groupe de jeunes enfants qui sollicitent l’acteur le temps du tournage d’un film amateur.

Ce synopsis donne ainsi lieu à un film rafraîchissant où se joue un huis-clôt théâtral qui redore le jeu d’acteur de Léaud, habilement enjolivé par une esthétique lumineuse et spontanée. Loin du rôle grave qu’il avait tenu précédemment pour La mort de Louis XIV en 2016, sous la direction d’Albert Serra. Ici le fantastique se mêle à la réalité, les apparitions côtoient le monde des vivants, et les personnages du film se laisse aller à une douce innocence.

Une collaboration enthousiaste

Et si les enfants ont été choisis pour leur “non-expérience”, ils ne manquent pas pour autant de passion à l’égard du cinéma. Arpentant les ruelles avec leur petite caméra, aucun détail ne leur échappe, leur curiosité et leur regard naïf nous renvoie à la simple beauté des choses. Une simplicité efficace, qui accentue ce côté théâtre-documentaire, les enfants semblent improviser, essayer, découvrir, ils sont « enfants » et c’est tout à fait plaisant de les voir évoluer sous cet angle, sans artifice.

“C’est très beau c’est très simple, on sent que vous faites du cinéma pour le plaisir” – Jean aux enfants dans Le Lion est mort ce soir

Jean-Pierre Léaud lui est un film au sein du film, son jeu est toujours aussi appréciable et il ne perd pas de sa superbe. On assiste à un enchevêtrement simple d’histoires et d’expériences de vie qui détonnent. Les échanges entre son personnage et celui de Pauline Etienne sont notamment ponctués par un clin d’œil au père de Jean-Pierre Léaud, Pierre Léaud, en employant les dialogues d’une de ses pièces de théâtre.

 

 

Thématiques choisies

Comme dans ses précédents films le réalisateur emploie aisément la thématique du couple et donne une vie nouvelle à l’amour perdu de Jean, un thème récurrent, imbriqué dans le film, qui témoigne en partie d’une profonde maîtrise des codes du cinéma français. Pour orchestrer cette rencontre avec le passé, le réalisateur joue notamment sur l’image du miroir, qui réuni les deux anciens amants : le miroir de l’armoire, celui au dessus d’une cheminée ou tout simplement l’eau du lac qui reflète la silhouette de Juliette. Par ailleurs c’est un long-métrage sur la solitude, celle retrouvée dans l’immensité de cette maison de maître nichée dans le maquis, celle que l’on ressent plongé dans l’absence, le silence, et celle qui fait réapparaître les fantômes…

Toutefois malgré la mélancolie récurrente de ce développement, Le Lion est mort ce soir est une ode à la vie, à l’amour de celle-ci, bien au-delà du sujet de la mort qui occupe parfois les pensées de Jean : «  La mort est la rencontre, il est important de la voir arriver  ». Ces mots sont dit avec splendeur, il n’y a pas de peur. La mort envisagée dans le titre, comme dans les paroles du Lion est mort ce soir, est une mort glorieuse, une mort apaisée qui ne fait que conclure la beauté de la vie, et c’est précisément ce que cherche à retranscrire ce film.

 

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