Chaque mois, Maze rembobine ses cassettes. A l’occasion de la sortie de son nouvel album Blitz ce 17 novembre, lumière sur la carrière du parrain de la pop française, Étienne Daho.
On a tou·te·s quelque chose en nous, non pas de Tennesse, mais d’Étienne Daho. Sans être fan, on est tou·te·s capables de chanter le refrain d’une de ses chansons. Parce que ce sont des tubes, et parce qu’il est LA voix de ce qu’est la pop française des années 1980 et 1990. Beaucoup se réclament aujourd’hui de lui, sans le dire forcément. Derrière la figure du dandy, et aujourd’hui du patron de la pop en France, se cache surtout un amoureux fou de musique.
De Rennes à Rome
Cet amour de la musique il puise étonnamment sa source chez les anglo-saxons. Étonnamment parce que tout sa carrière Étienne Daho la chantera en français. Deux disques de 1967 : le premier album de The Velvet Underground, The Velvet Underground and Nico, et le premier album de Pink Floyd, The Piper at the Gates of Dawn. Mais pas seulement, parce qu’il le dit lui-même, Étienne Daho aime la chanson française, et notamment les yéyé, la musique qu’il entendait enfant sur le jukebox de ses grands-parents en Algérie, où il est né. Étonnant mélange que celui du rock et des yéyé, qui mènera à l’imposition de la marque Daho : on sait ce que l’on écoute dès les premières notes.
C’est la scène des Trans Musicales de Rennes, alors modeste festival, qui fut le déclic. En 1980, Étienne Daho monte sur scène, quasiment forcé par ses amis de l’époque, pour y donner son premier concert, alors accompagné d’un groupe. Et on a bien fait de l’y pousser. Parce que repéré par la critique, Étienne Daho signe chez Virgin.
S’en suit du travail, pour inventer quelque chose, sans reproduire ses maitres. En 1981, premier album confidentiel, intitulé Mythomane. Mais c’est le deuxième album, à commencer par son premier single Le Grand sommeil, qui va tout changer.
La Notte, la notte sort en 1984, avec lui Week-end à Rome, son premier véritable tube, électro-pop, mais en français. Personne n’est vraiment prêt à l’époque à entendre ses claviers et cette basse à effets. Pourtant, la Dahomania commence.
Tout mais pas le succès
Week-end à Rome, c’est le genre de chansons qu’Étienne Daho viendrait à détester parce qu’elles collent à la peau. Des succès qui éclipseraient le reste de son travail, c’est son angoisse ultime. Parce qu’il est un grand bosseur, que tout est méticuleusement travaillé, étudié, du moindre son de la mélodie au moindre mot du texte, jusqu’à la pochette de l’album, et la qualité des clips. C’est un control freak qui s’assume, parce que c’est pour les gens affirme-t-il. Offrir le meilleur produit possible au public.
Un public qu’il n’a pas voulu. Le succès, la gloire, très peu pour lui. En 1985, il explose définitivement avec Tombé pour la France. Il va alors voir sa maison de disque pour savoir comment faire pour… ne pas faire partie du Top 50. Etienne Daho est un peu résumé dans ce moment : la réserve, la discrétion, l’effacement au profit de son art. “J’aime bien disparaitre… Pour réapparaitre”, s’amuse-t-il souvent à répéter. “Je ne suis pas timide, je suis réservé”, baseline de sa vie.
Daho et l’Angleterre
Commence alors l’histoire d’amour entre Etienne Daho et Londres. Marqué par les artistes anglo-saxons on l’a dit, il trouve là-bas un nouveau souffle artistique. C’est à Londres qu’il enregistre Pop Satori en 1986, avec William Orbit qui deviendra le réalisateur artistique de Blur et de Madonna. Inspiré par la noisy pop de The Jesus and Mary Chain, il enchaine deux ans ans plus tard avec Pour nos vies martiennes, dont seront issues Bleu Comme Toi, et une de ses plus belles mélodies, Des heures hindoues.
“Heure hindoue, rentrer tôt
Tôt ou tard c’est comme on le sent
Et j’ai l’idée d’m’élever dans l’espace
Oublier ce putain d’ennui, la nuit est finie
Je sais enfin que demain nous appartient” – Des heures hindoues, Pour nos vies martiennes, 1988
Ces quelques vers, qui disent aussi bien qui est Étienne Daho. La musique, c’est la fête, la fête ce sont les excès, les nuits et les souvenirs flous. Durant toute sa carrière, Étienne Daho en use et en abuse. À tel point que ça lui coûtera une mauvaise rumeur. En 1992, il est à l’origine du projet “Urgence”, une trentaine de chanteurs réunis pour un album, dont les profits sont reversés à la lutte contre le SIDA. Il y interprète une chanson de Brigitte Fontaine intitulée Dommage que tu sois mort. Résultat, sa discrétion à l’heure de préparer son prochain album, une nouvelle fois à Londres, associée à cet engagement contre le virus, la rumeur se répand : Etienne Daho est mort du SIDA.
Pour le chanteur c’est clair, sa vie de fête et d’excès, connue dans le milieu, lui ont coûté cette rumeur absurde qu’il n’a pas pris la peine de démentir, à part en sortant en 1995 un EP ironiquement intitulé Reserection. Étienne Daho veut jouir, et il invite chacun·e à faire de même.
“Je vais encore sortir ce soir,
Je le regretterai peut-être” – Sortir ce soir, La Notte, la Notte, 1984
Chanteur partageur
À partir de là, Étienne Daho n’a plus rien à prouver. Sa carrière se poursuit, avec des laps de temps plus ou moins longs entre chaque album. Ce qui le passionne de plus en plus au fur et à mesure du temps, c’est évidemment sa musique, mais surtout le fait de la partager avec d’autres artistes. Comme lorsqu’il chante avec une de ses références,Françoise Hardy, en 1985.
Mais rapidement ce sont les autres qui vont chanter avec lui, sur ses chansons. Avec Jacques Dutronc, Astrud Gilberto, Elli Meideiros, Charlotte Gainsbourg, Isabelle Adjani, Benjamin Biolay, Daniel Darc… et évidemment Dani. En 2001 Étienne Daho encourage la chanteuse à reprendre ce titre, qu’elle n’avait pu chanter à l’Eurovision 30 ans plus tôt car ça lui avait été refusé. Ils la reprennent ensemble, et remettent sur le devant de la scène cette chanson, et avec l’esprit, de Serge Gainsbourg, dont Étienne Daho a toujours été très proche.
Juste hommage à celui qui collabore avec toute la famille de Serge : Jane Birkin, Charlotte Gainsbourg, et qui produit même le premier album de Loui Doillon. La production d’ailleurs, l’autre hobby d’Étienne Daho, qui entre deux albums pose sa patte sur les albums de nombreux artistes. Une collaboration géniale avec Brigitte Fontaine sur l’album Genre Humain, des textes et des compositions pour Sylvie Vartan, Marianne Faithfull ou François Hardy.
Et puis, il y a l’influence. Tou·te·s celles et ceux marqué·e·s par sa musique, qui le revendiquent ou non. De Benjamin Biolay à Sébastien Tellier, de Marvin Jouno à Julien Doré ou Calypso Valois.
Des hommages discrets, dans les sons et les mélodies, ce n’est rien de plus qu’il faut Étienne Daho. Chaque album est un tome dans sa vie, qu’il nous invite à partager dans tout ce qu’il y a de plus psychologique, intime, charnel. La meilleure façon de lui rendre ces cadeaux c’est de les prendre et de les vivre sans rien demander de plus. On a tou·te·s une histoire de Daho. Autant en profiter, jusqu’au bout.