SOCIÉTÉ

La dictature s’installe au Cambodge

La Cour suprême cambodgienne a annoncé, jeudi 16 novembre, la dissolution de l’unique parti d’opposition au Parti du Peuple Cambodgien (PPC) de Hun Sen. Une nouvelle inquiétante qui présage d’un avenir sombre pour la démocratie cambodgienne.

Depuis quelques mois la répression se fait de plus en plus dure au Cambodge. Après l’arrestation du principal dirigeant du Parti du Sauvetage National du Cambodge (PSNC) Kem Sokha en septembre, c’est un nouveau pas qui est franchi par Phnom Penh. Le Cambodge poursuit de fait son chemin vers l’établissement d’un régime dictatorial avec la dissolution de l’unique parti d’opposition né d’une coalition politique entre le parti de Sam Rainsy et celui de Kem Sokha en 2013. Le parti politique d’opposition a été dissous sur la base d’accusations complotistes.

Des accusations mensongères

C’est sous un motif mensonger que Kem Sokha a été arrêté en septembre dernier par les autorités cambodgiennes. Il a été accusé de “trahison et d’espionnage” à la suite d’une vidéo postée en 2013 où il évoquait l’importance des ONG dans le processus de démocratisation du Cambodge lors d’un discours en Australie. Hun Sen n’a alors pas manqué l’occasion d’éliminer son unique concurrent sur le territoire cambodgien et l’a accusé publiquement d’avoir fomenté un complot avec l’Amérique visant à “détruire le pays”.

Kem Sokha lors de son arrestation le 3 septembre dernier – ©AFP

 

Ce premier événement a fortement affaibli le parti politique de Kem Sokha. Les membres de son parti vivaient depuis son arrestation dans la peur. Peu avant l’annonce de la Cour Suprême, certains ont même dû fuir le pays. C’est le cas de Mu Sochua, la vice-présidente du parti désormais en exil qui a annoncé “la fin de la véritable démocratie au Cambodge”.

Des élections à venir au Cambodge

C’est dans un contexte de tensions politiques que le gouvernement cambodgien a dérivé jusqu’à devenir la dictature actuelle. La dissolution du seul parti d’opposition est en effet l’assurance pour Hun Sen, à la tête du Cambodge depuis 1985, de remporter les élections législatives de juillet 2018. Cette décision apparaît donc comme une stratégie politique de plus pour soumettre le peuple et rester au pouvoir.

Mais la dissolution du parti n’est pas la seule conséquence pour le monde politique cambodgien. Parmi les leaders du parti, 118 ont également été interdits d’exercer dans la politique dans les cinq ans à venir. L’occasion pour Hun Sen d’asseoir son pouvoir et d’écarter toute concurrence pour au moins cinq ans.

“C’est la mort de la démocratie au Cambodge” – Human Rights Watch

Les réactions ne se sont pas faites attendre de la part d’ONG mais également d’hommes politiques. Phil Robertson, membre de l’ONG Human Rights Watch a ainsi parlé de “la mort de la démocratie au Cambodge”. En réponse à l’arrêt de la Cour Suprême annonçant la dissolution de son parti politique, Sam Rainsy, dernier représentant du PSCN exilé en France depuis 2010 a réagi en postant un tweet plein d’espoir. Il y appelle le peuple cambodgien soutenant son parti politique à ne pas perdre espoir et à garder leurs convictions sans pour autant se mettre en danger dans ce pays où être en opposition est synonyme d’être en état d’arrestation.

 

La multiplication des arrestations

Au-delà des formations politiques, ce sont avant tout des citoyens cambodgiens qui souffrent de la répression menée par Hun Sen. Un jour seulement après l’arrestation de Kem Sokha, c’est la fermeture du Cambodia Daily – l’un des derniers quotidiens de langue anglaise au Cambodge – qui avait à son tour poussé les ONG à alerter la communauté internationale. Le Cambodia Daily était un des derniers médias critiques et assumait sa ligne éditoriale à travers le slogan “All the News Without Fear or Favor” (“Toute l’information sans peur et sans faveurs”).

Un slogan qui en dit long – © Cambodia Daily

 

La pression exercée par le gouvernement sur le peuple passe également par la répression de la presse et de l’aide humanitaire. En supprimant tout média d’opposition et en interdisant les actions menées par les ONG, Phnom Penh s’inscrit une fois en plus dans le registre autoritariste. Hun Sen prive son peuple de l’accès à l’information mais rejette aussi l’aide humanitaire dans son pays.

Ces atteintes à la liberté de la presse, à la liberté de réunion et d’expression sont encore et toujours relayées par des ONG internationales. C’est le cas de Reporters sans frontières qui voit en le Cambodge un pays où il ne fait pas bon être journaliste. Le Cambodge occupe en 2017 la 132ème place dans son classement mondial de la liberté de la presse.

[su_document url=”https://rsf.org/sites/default/files/carte_2017_fr.pdf”]

 

Un bilan inquiétant pour un pays en pleine chute. La communauté internationale tente déjà de faire peser des menaces financières sur le Cambodge actuellement en plein boom économique et dénonce les mesures prises par le gouvernement Hun Sen. Ce dernier avait déclaré, quelques jours avant la dissolution du PSNC, que les élections ne nécessiteront pas de reconnaissance internationale, seulement une reconnaissance du peuple cambodgien.

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