« Qu’est ce qu’un conte de fée ? C’est une histoire, qui fait plus ou moins rêver, quelque chose qui fait sortir de la vie réelle, du quotidien », a dit un jour Valentin Perrin, photographe, couturier, costumier, maquilleur et grand rêveur.
Un « attrapeur de rêve » : c’est comme cela que je pourrais définir Valentin Perrin. Une proposition d’un retour au pays de l’enfance, qu’il soit sombre, mélancolique, presque cruel, tout autant qu’aérien, étrange, et d’une beauté à couper le souffle.
Ses photos, ou visions comme il le dit lui même, sont comme une ouverture vers un nouvel espace – plus beau, mais non pas plus clément. Elles peuvent trouver leur source dans un conte mille et une fois raconté, ou dans un quotidien trivial et banal. Cela peut être au départ une simple atmosphère, un accessoire, un costume, un paysage.
Une fois la vision effacée, le créateur tente de retrouver ce moment, de le vivre une nouvelle fois, dans la réalité. Une sorte de défi, celui de retrouver ses rêves dans un monde qui en manque. Le photographe capture cette vision, figée certes, mais unique témoignage de l’évasion rendue possible.
Qu’il y ait une longue étape de construction derrière ces « rêves d’œuvre » importe peu ; mieux, cela participe au rendu naturel voulu par le photographe.
Couturier – costumier de formation, Valentin réalise ses costumes la plupart du temps au moment même du shooting, et les défait tout de suite après, comme s’ils n’avaient jamais existé. La lumière, qui semble si étrange et irréelle, est le plus souvent naturelle.
« Plus je retouche une photo, plus cela veut dire qu’elle est ratée (…) je préfère capturer l’image avec le plus de naturel possible, et ne rien avoir à retoucher ».
Reste enfin les créatures représentées, les plus fictionnelles et imaginaires de toutes ; ce sont pourtant de simples être humains, articulés et arrangés selon l’envie du créateur.
Ce ne sont pas seulement ses rêves que nous offre Valentin Perrin, c’est tout son processus de création : retrouver l’imaginaire dans le réel. Avoir une vision ne suffit pas, le travail de reconstruction est indispensable pour que le rêve devienne réalité. La photographie permet certains trucages mais elle est soumise à son contexte, à son environnement qui sont, eux, bien réels. De plus, cela ancre dans la réalité ce simple songe, ça lui donne une matérialité, une « âme ». S’évader devient possible, rêver n’est plus seulement pour l’esprit mais aussi pour les sens.
Néanmoins, évasion ne veut pas dire simplification ou fuite. Les contes et histoires d’où Valentin tire ses créations ne nient pas la réalité et sa complexité. Et c’est au contraire dans les contes qu’on trouve le plus de violence. L’enfant n’est pas préservé de la société dans un cocon d’histoires invraisemblables, il y est préparé en adoptant un point de vue enfantin. Le monde s’adapte à lui (et non l’inverse) à travers un simple filtre, celui de son regard.
De la même façon, le créateur nous propose un filtre, proche de celui de l’enfant et pourtant autre : celui d’esthétiser la réalité, de la rendre plus belle. Il ne cache pas la cruauté de ses rêveries, il la met en exergue pour appuyer les contrastes de son image, à la fois belle et triste car inaccessible. Et en effet, qui dit rêves dit cauchemars, et les uns n’existent pas sans les autres.
Créer – c’est un moyen de se rendre maître de son propre monde. Celui de Valentin Perrin ne cesse de grandir et de nous émerveiller. Aujourd’hui en photographie, demain en livre et en expo, peut être bientôt en vidéo. Car ses photos sont avant tout des mises en scène pour (se) raconter des histoires, abstraites ou bien réelles.