Ceux qui comptaient se poser ne serait-ce que quelques minutes au fort Saint-Père ce samedi soir ont dû avoir bien du mal ! La deuxième soirée de cette 27ème Route du Rock a tenu toutes ses promesses, sans laisser aucun répit.
Le soleil et la douceur, on retiendra forcément ça de cette édition de la Route du Rock. La douceur, pour ce deuxième soir, ce n’est pas vraiment le mot qui convient : l’énergie, là oui ! Une énergie permise par un duel de générations bien réel, sur, et devant la scène.
Les 2010’s au pouvoir… ou presque
Après l’ouverture par un set maitrisé de Cold Pumas, bien qu’encore une fois un poil trop fort, ce sont les Américains de Parquet Courts, groupe créé en 2010, qui étaient chargés de chauffer le public qui arrivait petit à petit, mais comme la veille toujours en nombre sur le fort Saint-Père. Mission accomplie pour le quatuor, mi-Boston, mi-Texas : la parfaite alchimie entre morceaux très énergiques et ballades plus calme fonctionne, les changements de voix, que ce soit parce que les deux guitaristes prennent le lead chacun leur tour, ou parce qu’Andrew Savage s’amuse, tantôt à être calme, tantôt à hurler, apportent au spectacle. Deux guitares, une basse et une batterie, un clavier qui sert pour deux morceaux à peine : avec leurs cinq albums en quatre ans, Parquet Courts, c’est l’efficacité rock sans fioritures. Le lâcher prise n’arrivant qu’à la fin du concert, lorsque les deux guitaristes ont fini à genoux devant leurs amplis, pour les faire hurler une ultime fois.
Autre ambiance au moment de l’entrée en scène de Temples. Le premier rang s’est considérablement rajeuni : 24 heures avant, c’est PJ Harvey qui se produit sur la grande scène. Style et ambiance rétro britpop / psyché pour le quatuor anglais, venu présenter son (seulement) deuxième album, Volcano, tout comme ils étaient venus présenter le premier trois ans plutôt, exactement à la même place.
Les costumes sont vintage, les coupes de cheveux aussi, la musique se veut un pont entre le passé et le présent. Moins introvertis, plus grandiloquents… Parfois trop, même. La voix particulière de James Bagshaw peut fasciner certains autant qu’elle peut en agacer d’autres, les envolées lyriques guitaresques n’apportent que peu de choses. À souligner tout de même, le très bon travail sur la lumière, souhaité par le groupe, pour habiller son nouveau show, qui en est véritablement un, reconnaissons-le !
The Jesus and Mary Chain, taille patron
Mais les petits, jeunes, ça va bien deux secondes… C’est d’abord Arab Strap qui depuis la scène des Remparts s’est chargé de remettre un peu d’expérience au coeur du jeu. Dans un enchainement de morceaux assez inégaux, les Écossais ont malgré tout su emmener le public dans leur univers aux frontières du rock, du métal et de l’électro. Des routards du rock, qui s’étaient séparés pendant dix ans, qui ont choisi de revenir l’an passé, sensibles, parfois touchants, grâce à la voix grave d’Aidan Moffat qui a fait résonner le fort Saint-Père, entre batterie électronique, guitares électriques, et violon ou piano très classiques.
Mais le vrai retour, le plus attendu, les stars du soir, c’était bien évidemment The Jesus and Mary Chain. Chacun avait son groupe star ce soir : Temples pour une bonne partie de ceux nés dans les années 1990, quand d’autres venaient pour entendre ceux qui s’étaient séparés pendant dix ans. Et on ne pouvait pas être déçu : en 1h15 de concert, les Anglais ont montré qui étaient les patrons sur la Route du Rock. Puissant, fascinant, sobre mais sans calcul, un concert comme on en voit rarement ! Mais qui n’a pas séduit tout le monde, l’assistance devenant de plus en plus clairsemée au fur et à mesure des morceaux. Quoiqu’il en soit, le shoegaze est bien de retour. L’équipe de Jim Reid a en mis plein la tête à tout le monde.
La claque du soir : Future Islands
Dans le monde de la musique, il y a de grands malades. Un peu à tous les niveaux, dans la façon de faire de la musique, dans l’esthétique, les paroles. Lui, c’est sur scène qu’il présente sa folie. Samuel Herring le chanteur de Future Islands a totalement hypnotisé le public, au point d’en oublier presque les deux autres membres du groupe. Déhanché endiablé, course sur la scène, regards ahuris, grands gestes, une chemise trempée au bout de trois titres, on craint pour sa santé mentale mais aussi physique. Incapable de rester en place plus de trois secondes, Samuel Herring a dansé pendant une heure sans interruption. Le public l’aurait suivi au bout de la nuit. Pour la première fois depuis le début du festival, un concert a fait danser tout le monde, toutes générations confondues, tous styles confondus, du plus bourré au plus sobre.
Avec leur dernier album The Far Field, le groupe originaire de Caroline du nord avait déjà frappé un grand coup. Mais sur scène, le plaisir est décuplé, avec de très bons musiciens, un show man qui fait ce qu’il veut de son corps mais aussi de sa voix, qui semble lui servir à expulser tant d’émotions. Samuel Herring qui a fini le concert dans les bras du premier rang, qui lui donna autant d’amour que celui qu’il avait envoyé à l’ensemble des festivaliers.
Le bonus belge
Comme on ne pouvait pas se quitter comme ça après avoir tant dansé, la programmation de la Route du Rock a eu la bonne idée de prévoir Soulwax pour clore ce samedi déjà très intense. Si on se rappelle des deux batteries de Thee Oh Sees, le groupe belge a même choisi d’en utiliser… trois en même temps ! Pour un set électro “fait maison”, où les batteries servent justement à éviter les boites à rythme, le tout pour un spectacle de haut vol, qui a fait danser le fort Saint-Père jusqu’au bout de la nuit. Soulwax en concert, c’est une expérience qu’il ne faut pas hésiter à tenter dès que c’est possible. Pour boucler la boucle, Soulwax réunit les générations, entre les membres historiques présents depuis 1995, et des visages plus jeunes. Un peu comme la Route du Rock, finalement.