SOCIÉTÉ

Nicolas Maduro, dictateur ?

Cela fait maintenant plusieurs années que le Venezuela connaît une crise sans précédent. Accusant le président d’en être le responsable, une forte opposition s’est organisée face à la situation. Depuis trois mois, le mouvement s’est intensifié et les débordements en marge des protestations plongent les rues dans la violence. Mais entre tensions avec l’opposition et pressions internationales, Nicolas Maduro ne lâche rien.

En 2013, lorsque Nicolas Maduro a pris la suite d’Hugo Chavez à la tête de l’État, la cote de popularité de son prédécesseur était incroyable. Le Venezuela jouissait des revenus que lui apportaient ses ressources pétrolières, qui ont fait décoller son taux de croissance il y a 15 ans. L’argent permettait au gouvernement de multiplier les aides sociales, faisant du président un être aimé du peuple. Mais depuis plusieurs années, la chute du cours du pétrole a plongé le pays dans une profonde crise ; l’inflation et le manque de denrées alimentaires ont conduit le pays à devenir l’un des plus dangereux au monde, les tensions s’étant transformées en violence accrue où meurtres, vols et kidnapping devenaient une solution pour vivre. Le peuple a pointé du doigt son président, et l’accuse directement d’être le responsable de cette situation, au travers de corruptions et mauvaise gestion du pays. Une opposition forte s’est rassemblée, qui a remporté les élections législatives de 2015, et dès lors dans les rues de Caracas résonnaient les premiers «  Dehors, Maduro ! ».

Prise d’otage du pouvoir

Seulement voilà, Maduro compte bien garder son rang de Président. Une dictature  ? Le mot a été lâché par l’église catholique d’Amérique du sud elle-même, qui accuse le président de « priver son peuple de ses libertés ». Face à la révolte qui gronde, tout est fait petit à petit pour assurer au gouvernement actuel de rester en place, à commencer par une mesure empêchant le leader de l’opposition de se présenter aux prochaines élections présidentielles en décembre 2018. Leopoldo Lopez est actuellement assigné à résidence après avoir passé trois ans derrière les barreaux, prisons vénézuéliennes dans lesquelles l’ONG Foro Penal dénombre 433 prisonniers politiques. Dans la nuit du 30 mars, la Cour Suprême a mis en place deux mesures en faveur de Maduro. Elle a tout bonnement supprimé l’immunité des parlementaires, ouvrant la porte à des accusations de toutes parts pour désarçonner l’adversaire avec l’ouverture d’enquêtes judiciaires à l’encontre des parlementaires de l’opposition. Elle a aussi permis au président d’obtenir les pleins pouvoirs d’une certaine façon, en s’appropriant le pouvoir législatif. Cette décision a été vécue comme un véritable coup d’état.

Manifestations et répression sanglante autour du vote du 30 juillet

Face à la mobilisation internationale des chefs d’états et un véritable soulèvement populaire, la Cour Suprême a très rapidement fait marche arrière. Mais pas Maduro, qui a annoncé que le 30 juillet se tiendra l’élection de 545 membres d’une assemblée qui aura pour mission de modifier la Constitution et de dissoudre le parlement favorable à l’opposition pour permettre au président d’imposer pleinement sa souveraineté. Maduro estime que cette mesure permettrait au pays de retrouver stabilité et sécurité, alors qu’on l’accuse de vouloir détenir les pleins pouvoirs. Il ne s’agit par ailleurs pas d’un vote démocratique en bonne et due forme. Il menace les entreprises qui rejoindraient l’opposition de fortes sanctions économiques et financières et ne laisse pas le choix aux 2,3 millions de fonctionnaires.

Manifestations Venezuela, avril 2017
– AFP

Seulement voilà, 70 % des Vénézuélien·ne·s rejettent l’assemblée constituante, selon l’institut Datanalisis. Le président parle de désobéissance civile, et exerce une répression sans grande mesure. Les émeutes et affrontements avec la police dans la rue n’en finissent plus ; depuis le 1er avril, une centaine de morts est déjà à déplorer. Des images d’interpellations très musclées et choquantes tournent sur internet et sont relayées par les médias qui mettent en avant la violence qui règne dans tout le pays. La vie du pays sud-américain est bouleversée par cette lutte du peuple contre son Président ; 7,6 millions de citoyen·ne·s ont voté pour le départ de Maduro lors de la consultation populaire organisée par l’opposition la semaine dernière, lors de laquelle une femme âgée d’une soixantaine d’année a été tuée par les forces de l’ordre alors qu’elles chargeaient une file d’attente devant un bureau de vote. Mais Maduro ne lâche rien. Et l’opposition non plus, qui assure que la seule issue pacifique à ce conflit serait d’abandonner le projet d’assemblée constituante.

La mobilisation, à l’intérieur du pays et au niveau international suffira-t-elle à faire reculer Maduro ?

Si Nicolas Maduro exerce des pressions sur son peuple et en subit en retour, les autres chefs d’état lui demandent également de rendre des comptes. Donald Trump l’a personnellement attaqué et l’a qualifié de « mauvais dirigeant rêvant de devenir dictateur », et l’a menacé de sanctions économiques fortes s’il poursuivait sa répression : « les États Unis ne resteront pas immobiles pendant que le Venezuela s’effondre. Si le régime de Maduro impose son assemblée constituante le 30 juillet, les États Unis adopteront des mesures économiques fortes et rapides ». Mesures qui risqueraient encore d’aggraver les conditions de vie actuelles de la population du pays sud-américain. Ce jeudi 20 juillet, un appel à une grève générale de 24 heures a été lancé et a été appliqué dans tout le pays, avec un taux de participation estimé à 85 %. Mais il a aussi été sanglant, les affrontements avec la police ayant mené à la mort de quatre personnes, deux jeunes étudiants, de 23 et 24 ans, une jeune adolescente de 15 ans et un homme de 34 ans, et l’arrestation de 173 personnes dans le pays. Vendredi, l’opposition a élu 33 membres d’une Cour suprême parallèle à l’officielle, qu’elle accuse partiale et élue irrégulièrement en faveur de Maduro. Ce dernier a répliqué sans conteste : « Un par un, l’un après l’autre, ils iront tous en prison et on placera sous séquestre leurs biens, leurs comptes et tout le reste, et personne ne les défendra ». Deux nouvelles journées de grève ont été prévues mercredi et jeudi, et les manifestations devraient se poursuivre et s’intensifier jusqu’au 30 juillet.

Quelle sera l’issue du vote du 30 juillet et ses conséquences ? Si le projet passe, les rues risquent de s’embraser et les menaces internationales de passer à exécution. Et s’il ne passe pas, Maduro acceptera t-il de libérer son poste prématurément ? La situation au Venezuela pose une réelle question : où s’arrête la démocratie, et quand débute la dictature ? La limite semble avoir été franchie. Suites au 30 juillet.

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