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Bon Entendeur – « On aime la France, on la trouve belle »

À l’occasion du festival Vie Sauvage, les DJs de Bon Entendeur ont répondu à quelques questions avant de monter sur scène pour clore l’événement en grande pompe. Nous avons parlé de la construction de leur mixtapes, de leur vision de la France mais aussi de la transformation de notre mode d’écoute de la musique.

Enchantée de vous rencontrer, comment allez -vous ? 

Tous : Ça va, on est un peu fatigués.

Pierre : C’est de la bonne fatigue, hier on était à Solidays et c’était vraiment cool ! Le chapiteau de 8000 personnes était rempli.

Coco : Pour nous c’était une belle étape.

Comment en êtes-vous venus à faire de la musique ensemble ?

Coco : En 2012 Arnaud avait lancé une chaîne YouTube mais elle a été rapidement fermée à cause des droits d’auteur. Il a ensuite fait un site internet et s’est basé sur SoundCloud où il faisait des playlists. Pierre l’a rejoint après, ils sont amis d’enfance d’Aix-en-Provence. Je les ai rejoint en septembre 2013, après la publication de la première mixtape sur DSK, “Mon rendez-vous”. Initialement on faisait des mixtapes tous les mois, puis ça s’est espacé. Maintenant c’est plutôt saisonnier.

Vous êtes sur plusieurs plateformes d’écoute, mais pas sur Spotify ni Deezer. Pourquoi ?

Pierre : Ils demandent d’avoir obtenu les droits d’auteur en amont, ce qui n’est pas toujours le cas pour tous nos sons.

Coco : Ce sont aussi des plateformes de streaming de chansons uniques et non pas de mixtapes. Comme tous nos contenus font entre 45 minutes et 1 heure 30, ça n’existe pas sur ces plateformes. Sinon on est sur SoundCloud, YouTube, Dailymotion et on a un site internet.

 

Sur ce site on peut soumettre des sons. L’aspect collaboratif est important pour vous ?

Pierre : On recevait beaucoup de sons sur notre messagerie Facebook et c’était parfois compliqué de répondre à tout le monde donc on a centralisé les demandes. Toutes les semaines on écoute tout ce qu’on nous a envoyé et on les rajoute ou pas.

Comment faites-vous pour choisir les sons ?

Coco : C’est un vote.

Pierre : C’est la guerre (rires).

Coco : Chacun fait une playlist et puis on vote. Trois “oui” ou trois “non”, c’est vite réglé. Deux “oui” et un “non”… c’est la bagarre (rires).

Combien de temps mettez-vous pour faire une mixtape ?

Pierre : Ça dépend du nombre de son et des sons. On a déjà réussi à finir une mixtape en deux semaines, mais je pense aussi à celle de Bohringer qui a pris plus de temps.

Coco : La recherche de son est permanente. Avant qu’une mixtape soit finie, on est déjà en train d’écouter voire de sélectionner les sons de la prochaine.

 

“La recherche de son est permanente.”

 

Comment les composez-vous ? 

Coco : On met des gros classiques, des vieilles chansons remixées par des producteurs pour qu’elles soient plus au goût du jour. On met aussi des sons qui n’ont pas trop d’écoute. C’est d’ailleurs le postulat de Bon Entendeur. Mais si un son est connu et qu’on l’adore on ne va pas se priver de le mettre.

Pierre : Il y a des artistes qu’on surveille aussi, comme Microclimat ou L’Impératrice. Dès qu’ils sortent un nouveau son on l’écoute et il se retrouve souvent dans nos mixtapes. C’est pareil pour Polo & Pan. Les beatmakers comme Mounika sont aussi très importants pour nous.

Comment choisissez-vous les personnalités de vos mixtapes ?

Pierre : Parce qu’on les aime bien tous les trois.

Coco : C’est vrai que là il y a vraiment un consensus pour le choix de la personnalité.

Pierre : Ça dépend aussi de l’actualité, mais surtout de la saison.

Coco : On ne va évidemment pas mettre Bohringer ou Badinter en mixtape d’été. Par contre on penchera plutôt pour Brigitte Bardot jeune. En tout cas ce sont toujours des gens qui ont un charisme et un message. Ils représentent “une certaine idée de la France”. Bon, sauf DSK, il sort du lot. C’était son discours qui était intéressant.

Vous faites du “Made in France” ?

Coco : On aime la France, on la trouve belle. C’est ce qu’on s’est dit pendant la tournée en passant dans les différents villages. On est tous les trois un peu chauvins. Il y a surtout énormément de personnalités françaises que l’on peut promouvoir avant de s’intéresser à des personnalités étrangères. C’est aussi pour la langue française puisque notre public est plutôt francophone. Ça n’était pas prémédité au départ, mais on s’est rendus compte qu’on s’était peut-être enfermé dans quelque chose en faisant ça. Finalement ça ne nous déplaît pas du tout.

Pour les discours de ces personnalités, vous allez chercher loin ? 

Coco : Parfois oui. En intro on évite de mettre les discours les plus connus. On va fouiller sur YouTube ou sur l’Ina. Parfois on a la chance de les rencontrer, comme Bohringer ou Oxmo Puccino, pour avoir des enregistrements exclusifs.

 

“On n’a pas une existence aisée sur les plateformes d’écoute.”

 

Vous n’avez pas un mode de diffusion classique de votre musique, vous n’avez pas d’album par exemple. Comment le vivez-vous ?

Coco : Y aura un single bientôt, mais on ne sait pas encore quand il sortira. Ça sera un remix de Bon Entendeur. Sinon on est complètement en dehors du système classique : single, album, puis promotion. Ça a ses avantages car on n’est pas enfermés dans des cases et ça nous permet de garder plein de styles différents. Ça a aussi ses inconvénients car on n’a pas une existence aisée sur les plateformes d’écoute.

Vous avez quand même un nombre de vues impressionnant sur YouTube…

Coco : On a dépassé les 30 millions je crois ? Ça commence à être pas mal. Ça montre que le modèle d’écoute de la musique est en transformation permanente. Tu nous aurait dit il y a trois ans qu’on ferait Solidays, on y aurait pas cru. On se prend pas la tête, on avance presque semaine par semaine et on profite surtout au maximum.

Vous n’avez pas d’univers visuel ou de clips vidéo. Pourquoi ?

Pierre : Faire un accompagnement visuel sur une mixtape d’une heure, c’est assez compliqué. Après on a quand même une identité avec du noir et blanc, et la France des années 60-70.

Coco : D’ailleurs c’est un petit regret de ne pas pouvoir s’attarder sur de la production vidéo, sur un beau clip. J’espère que ça viendra. On a aussi une ossature de mixtape qui commence à se dessiner. Il y a une première partie qui dure de 15 à 25 minutes avec un rythme de plus en plus dansant, après il y a une période plus dure avec de l’électro ou de la techno et à la fin tout redescend. On aime cette structure et on y tient. On ne pourrait pas l’écourter pour faire de la vidéo.

Vos lives sont donc conçus différemment des mixtapes ?

Coco : Certains sons des mixtapes sont présents dans le DJ set. Mais il y a aussi plein de sons des DJ sets qui ne sont pas dans les mixtapes. Par exemple ce soir on mixe vers 1h du matin donc on va envoyer des sons très dansants et plusieurs personnalités. Il y aura Lucchini, Reno, Dujardin… On en aussi rajouté des sons qui ne sont pas au sein des mixtapes, comme une citation du film La Haine : “Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien. Mais l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage.”

Rédactrice en chef de la rubrique musique et étudiante en master numérique à Bordeaux. Passionnée de musique et de photo.

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