SOCIÉTÉ

Élections législatives : (re)nouvelle vague ou démocratie en crise ?

Le premier tour des élections législatives a vu La République en marche (LREM), le mouvement d’Emmanuel Macron, fraîchement élu président, remporter la majorité des sièges de l’Assemblée Nationale. Il y a pourtant bien plus à retenir de ce premier tour que les métaphores aqueuses au sujet de cet apparent succès.

Abstention, quand le silence devient urgence

Ces élections législatives ont remporté plusieurs records. Tout d’abord, toutes les prévisions indiquent que LREM obtiendra à l’issue du second tour la plus large majorité parlementaire de la Ve République. Bien que toutes les analyses ne prévoient pas les mêmes statistiques, tous les résultats prévus avoisinent les 70 % des sièges de l’Assemblée Nationale. Le précédent record a été établi en 2007 par l’UMP avec 365 sièges, soit 63,3 % des sièges. LREM devrait en obtenir plus de 400.

 

Crédit : Libération

 

Cependant, un autre record a été battu : celui de l’abstention. Le 11 juin, seul·e·s 48,7 % des inscrit·e·s ont voté. La plus basse participation jusqu’alors a été enregistrée en 2012 avec un taux de 57,22 %. La chute est donc d’environ dix points, loin d’être négligeable. Depuis 1993, l’abstention lors du premier tour des législatives ne fait que monter. On pourrait être tenté·e·s de dire que cela s’inscrit dans une dynamique plus large et qu’il n’y a pas d’urgence. Pourtant, il ne faut pas négliger cette alarme quant à l’état de notre démocratie. Non seulement la hausse s’accélère, mais elle est maintenant, de surcroît, majoritaire. Elle remet ainsi en cause, non pas simplement l’intérêt et la motivation des citoyen·ne·s mais aussi et surtout la capacité du monde politique de créer un lien avec le peuple. Cette abstention record n’est pas un désintérêt massif mais un désaveu d’un système se voulant représentatif mais ayant donné naissance à une véritable caste dirigeante empreinte de carriérisme et de conflits d’intérêts.

Le message derrière les voix

En laissant de côté la question de l’abstention pour s’intéresser aux voix exprimées, un constat s’impose : le paysage partisan est en train de changer. Si on continue de voir en partie les mêmes personnes en politique, les étiquettes changent. Le Parti Socialiste n’atteint pas les 10 % des suffrages exprimés, devancé par la France Insoumise et le Front National, au coude à coude avec environ 13 % des voix, puis Les Républicains avec 21,56 % des voix et, enfin, LREM avec 32,32 % des voix. On assiste donc à un effacement du PS, un gain en puissance de FI, une stagnation du FN, une légère baisse de LR et une arrivée remarquable de LREM. Au-delà des simples scores, on remarque que l’hégémonie presque totale des deux grands partis historiques est terminée. Il y a un véritable éclatement des majorités, particulièrement marquée à gauche. La volonté des électeurs et électrices de sortir d’une machine grippée est d’autant plus limpide que les plus fortes hausses sont enregistrées pour des partis se revendiquant « anti-système ».

Cependant, ces résultats doivent être mis en perspective avec l’abstention. Il est dangereux d’affirmer que la France est de plus en plus à droite sachant que moins de la moitié des inscrit·e·s se sont exprimé·e·s. La compilation des éléments apportés par les scores et par l’abstention renforce l’idée selon laquelle les citoyen·ne·s se sont lassé·e·s de leurs représentant·e·s traditionnel·le·s. De plus en plus d’électeurs et électrices n’accordent plus leur confiance à cette caste dirigeante. Ces résultats remettent en cause l’idée même de représentativité de ces élections. Pour trouver une solution, les idées d’élections à la proportionnelle, intégrale ou partielle, et celles de changement du scrutin uninominal majoritaire à deux tours (actuellement en place) pour un scrutin par note ou par valeur progressent. Ces modes de scrutin alternatifs sont d’ailleurs testés par des laboratoire de recherche et des initiatives citoyennes.

Quoi qu’il en soit, s’il y a bien une chose que nous ne devons pas oublier, c’est que si une part importante de notre pouvoir passe par les urnes, une part plus importante encore réside dans nos actions militantes, associatives et toujours politiques. C’est à nous, société civile, de reconquérir ce pouvoir et de montrer à nos dirigeant·e·s que nous sommes capables d’initiatives, de propositions et de solutions. C’est indéniablement de la société civile qu’émergeront les idées pour bâtir la démocratie de demain.

Je suis un ingénieur créatif, étudiant en curiosité, vadrouilleur de l'Internet amateur de culture.

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