Suivra ou suivra pas. L’Élysée a décidé, et il en sera ainsi : tous les journalistes ne pourront pas suivre le Président dans ses déplacements, il faudra faire des choix. Mais pour son premier voyage présidentiel au Mali, Emmanuel Macron était accompagné de quelques journalistes trié·e·s sur le volet, suscitant nombre de réactions, dont une lettre ouverte au chef de l’État signée par une vingtaine de médias nationaux. Retour sur des choix complexes.
Après avoir fermé les grilles de la cour de l’Élysée aux journalistes le 17 mai dernier, jour du premier Conseil des Ministres, la présidence Macron décide d’évincer les journalistes politiques des déplacements du chef de l’État, leur préférant des journalistes « spécialisé·e·s ». Le pôle communication de l’Élysée a ainsi appelé et invité directement certain·e·s journalistes à couvrir le déplacement au Mali. Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, s’est justifié de ce choix en évoquant le délai très court pour organiser le voyage ainsi qu’une envie de la part du gouvernement de n’inviter que des journalistes spécialistes de la défense. La lettre ouverte écrite et co-signée par de nombreux médias nationaux, privés comme publics, souligne leurs « inquiétudes quant à l’organisation de la communication présidentielle » et qu’il « n’appartient en AUCUN CAS à l’Élysée de choisir ceux d’entre nous qui ont le droit ou non de couvrir un déplacement, quel qu’en soit le thème ».
Mauvais départ
Alors, mauvais départ pour les relations presse de l’Élysée ou bien choix affirmé et ferme d’une redéfinition des relations entre pouvoir et médias ? Ce qui est remis en cause par le service de communication du chef de l’État, c’est l’ancienne, et mauvaise, communication des précédentes présidences. Nicolas Sarkozy, tout comme François Hollande, avaient entretenus des relations proches, parfois amicales, avec certain·e·s journalistes. Sylvain Fort, le responsable communication du président de la République, évoque pour 20 Minutes ces deux ex-présidents « qui ont joué un jeu souvent malsain avec les médias. Nous voulons revenir à une relation normale ». Le dernier ouvrage des journalistes du journal Le Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet Un président ne devrait pas dire ça a suscité de nombreuses inquiétudes, de la part des politiques comme de la presse.
Alors, comment, pour un président de la République, changer ou améliorer les relations avec les médias sans que tou·te·s s’insurgent d’une manœuvre contre la liberté de la presse ? Ne plus avoir accès à la cour de l’Élysée ne signifie pas seulement ne plus pouvoir filmer ou photographier les ministres entrant et sortant, mais signifie ne plus pouvoir les interpeller, parfois à chaud, sur des questions à l’agenda politique. On ne peut pas vaincre l’instantanéité qui régit la presse actuelle en coupant les accès au pouvoir. L’accès à la cour du palais présidentiel pourrait être perçu comme un privilège pour les journalistes, mais elle est surtout le lieu d’échanges entre les politiques et les médias. Pourquoi, en lieu et place de cette interdiction d’accès, ne pas demander au gouvernement de tenir sa langue sur des sujets sensibles ? Doit-on interdire pour mieux gouverner ? Est-ce fou d’utiliser ces termes alors même que les ministres qui ne souhaitent pas parler n’en sont pas obligés, passant devant les médias à la sortie des conseils ?
Redéfinir la presse
Est-ce du ressort du président de la République, ou bien de ses conseillers en communication, de choisir quel·le journaliste peut accompagner le chef de l’État dans ses déplacements officiels ? Les justifications de Christophe Castaner peuvent être louables sur un point, celui de changer la perception des déplacements pour qu’ils ne soient pas seulement politiques. Vouloir amener plus de journalistes spécialisé·e·s en défense dans un déplacement au Mali n’est pas inintéressant. Mais ces choix, comme le rappelle la lettre ouverte signées par une vingtaine de médias, n’appartiennent pas au gouvernement. Le journalisme est certainement un métier en quête de renouveau, mais cela ne doit pas être le fait d’un quelconque pouvoir. Redéfinir la presse ne doit pas tenir d’une interdiction, mais de propositions.