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Cannes 2017 – L’amant double : Je est un autre gémeau

François Ozon est toujours aussi grandiose. Après Swimming-Pool en 2003 et dix ans plus tard Jeune et Jolie en 2013. Huit mois seulement après la sortie de Frantz, le réalisateur français est de retour à Cannes avec L’ Amant double, avec Jérémie Renier et Marina Vacht pour une nouvelle nomination. 2017 est peut-être enfin l’année de François Ozon.

Dix-sept films. Près d’ un par an depuis 1998. François Ozon s’est essayé à tous les genres sans leur rester véritablement fidèle : l’absurde, la comédie musicale, le fantastique, le film noir, la romance et même le mélodrame. Le cinéaste se réinvente sans cesse depuis vingt ans. Seul lui pouvait réussir là où tant d’autres réalisateurs français ont échoué ces dernières années : réaliser un thriller érotique et aller encore plus loin dans la complexité et l’ambiguïté du scénario. François Ozon en innovant revient aussi à deux de ses principales influences que sont Hitchcock et Fassbinder.

L’ Amant double s’ouvre chez la gynécologue par un plan plutôt percutant qu’on vous laisse découvrir. La patiente Chloé (Marina Vacht) est une jeune femme fragile sujette à des maux de ventres depuis toujours. Le diagnostique non donné, cette dernière va se rendre chez un psychologue, Paul (Jérémie Renier), afin de comprendre si la source de ses douleurs n’est pas lié à des problèmes plus intérieurs. Alors que Chloé semble aller de mieux en mieux au fil des séances, elle et Paul vont tomber amoureux, puis emménager ensemble. Cependant, très vite elle va se rendre compte qu’elle ne connait pas vraiment l’homme qu’elle aime et qu’il semble lui cacher un jumeau un peu maléfique du nom de Louis dont il nie l’existence. La jeune femme va mener son enquête et commencer une nouvelle thérapie un peu plus spéciale avec ce dernier et devenir sa maîtresse comme pour combler un manque.

Jeu de dualité

François Ozon est passé maître dans l’écriture d’un scénario et dans la mise en scène, ce qui fait de lui un véritable compositeur d’image. Dans ses films aucun objet, aucun plan, aucun regard, aucune musique n’est placée là au hasard. Chaque élément est un symbole qui mène à la chute du film.

Pour commencer, le métier de psychanalyste évoque un film très freudien où inconscient, désir et transfert se mêlent dans un suspens implacable. Mais dans L’ Amant double, tout semble marcher par deux et par opposé. Chloé avoue dès la première scène qu’elle a toujours souhaité avoir une jumelle, et elle découvre que son compagnon en a un. Le miroir comme objet est présent dans la majorité des scènes pour appuyer cette dualité manichéenne constante. La jeune femme est gardienne dans un musée où le décor et les vêtements qu’elle porte ne sont que noirs et blancs. Les œuvres d’art exposées paraissent être deux corps imbriqués. Les deux chats du film se reflètent l’un dans l’autre, la voisine et la mère d’un des personnages se ressemblent étrangement par leurs comportements. Il va même pousser jusqu’à montrer une fascinante scène de sexe et de dédoublement fantasmagorique. La construction narrative frôle la perfection par sa maîtrise en frayant un chemin subtile jusqu’à la chute du film, et qui nous empêche de trop en dire ici.

Ce jeu de doublon passe aussi par la technique du réalisateur soit par les plans qu’il nous présente et surtout le montage du film. Comme souvent, François Ozon utilise le champ/ contre-champ, essentiellement dans les scènes de thérapies, ce qui apporte déjà une atmosphère particulière. Mais il en rajoute grâce au montage et l’usage de fondus entre deux plans sur les deux personnages qui alimentent l’érotisme du film et vont toujours dans le sens du double. Ces personnages très ambigus poussent les deux comédiens au sommet de leur jeu, et envoie Marina Vacht très loin, en lice pour le prix d’interprétation féminine de cette 70ème édition du festival.

Ce thriller érotique et psychiatrique est sans aucun doute un des meilleurs films et des plus maîtrisés du cinéaste français, et nous pourrions continuer à en parler pendant des heures. Mais il est également, une vraie proposition cinématographique pour ce crû cannois 2017 (avec The Killing of a sacred deer, de Yorgos Lanthimos) et il serait dommage que François Ozon reparte encore les mains vides.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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