SOCIÉTÉ

Le bon, la brute et le vote blanc

« Emmanuel Macron » ce nom résonne des centaines de fois, dans la bouche des scrutateurs-trices à l’heure fatidique du dépouillement du 7 mai 2017. De temps en temps, une voix annonçant un « Marine Le Pen » perce la litanie redondante qui commençait à s’installer. Mais lorsqu’une enveloppe vide fait son apparition, « blanc » ? « nul » ? « cas numéro 11 » ? « non c’est le cas numéro 8 » ? L’hésitation et le flottement se fait sentir. Et pour cause, en France, le statut du vote blanc n’est pas si clair que sa couleur le laisse penser.

Le vote blanc au moment du dépouillement

Dans un bureau de vote comme il y en a des milliers, sur les coups de 19h45, les volontaires recruté-e-s durant la journée s’installent autour des tables, iels sont 20, pour compter 1057 bulletins. En effet, dans ce bureau présidé par Matthieu Seingier, conseiller d’arrondissement dans le 12e, 1305 citoyen-ne-s en âge de voter sont inscrits sur les listes, ce qui induit 248 abstentionnistes. Les bulletins blancs, quant à eux, sont au nombre de 50 et les bulletins nul, au nombre de 10. Dans ce bureau de vote, en plus des votes par conviction, l’injonction au barrage au FN semble également avoir convaincu. Mais les 60 bulletins blancs et nuls représentent tout ce même près de 5,67 % des votants, (Macron 83,82 et Le Pen 10,51 %) ce qui n’est pas propre à être ignoré. Au niveau national, plus de trois millions de votes blancs ont été comptabilisés, soit 8,5 % des inscrits.

Le statut du vote blanc

En France, le vote blanc n’est comptabilisé que depuis la loi de 2014. Il consiste à déposer un bulletin vide dans l’urne, ou bien à emmener depuis chez soi un papier blanc du même format que les bulletins réglementaires : ces deux possibilités sont résumées dans le fameux cas numéro 11. Le vote nul, quant à lui, comporte dix cas, un peu plus détaillés. Mais il est souvent assimilable à un vote blanc, dans le sens où l’intentionnalité se lit parfois dans les bulletins inventifs et incongrus du type « Fillon Forever » (anecdote véridique) : on ne peut que se dire que la personne a voté nul à dessein, pour montrer son incapacité à choisir entre les deux candidats. En France, le vote blanc est certes compté à part, mais il ne fait pas partie des suffrages exprimés.

Il existe pourtant certains pays où le vote blanc est reconnu. En Colombie, par exemple, il a un pouvoir invalidant si il représente la majorité absolue des votes « valides ». Au Pérou, si les votes blancs sont trop nombreux (plus des ⅔ des votes valides), alors l’élection sera déclarée nulle. Le vote blanc a un pouvoir invalidant car de nouvelles élections doivent avoir lieu si les précédentes sont considérées comme nulles. Il faut toute fois noter que dans ce pays, le vote est obligatoire et assorti d’une grosse amende en cas d’abstention.

L’avis d’un militant « Jeunes avec Macron »

Victor Cohen a 25 ans, il est étudiant en alternance et s’est engagé auprès du mouvement « Les Jeunes avec Macron  » depuis novembre 2016. Il livre avec esprit critique son avis sur la question du vote blanc :

« Je suis très content du résultat, surtout que Le Pen soit en-dessous de la barre des 35 %, ce qui est peu vis-à-vis de ce à quoi on s’attendait. Malgré tout, il y a eu beaucoup de votes blancs, cela montre bien qu’il y a un problème, mais cela ne remet pas en cause la légitimité de l’élection de Macron comme les Insoumis le diront probablement durant les mois qui vont suivre ce deuxième tour.  Je peux comprendre qu’on ne soit pas d’accord avec le programme d’aucun des deux candidats, mais j’ai l’impression que l’on rentre beaucoup plus dans une démarche partisane assez extrémisée et ce vote blanc, je ne le comprends pas toujours. Selon moi, le vote blanc paraît plus émotionnel que rationnel.  »

Alors, le mécontentement politique et le vote blanc, émotion ou raison ? Une émotion à ne pas prendre en compte ? Et si l’émotion était une forme de raison ? En tout cas, ce mécontentement ne se fait pas véritablement sentir dans l’ambiance du bureau de vote du 12ème arrondissement dans  lequel Victor était assesseur, à une exception près :

« Être assesseur est une expérience géniale, les gens sont très agréables, on aurait pu croire que pendant la campagne, un certain mécontentement régnait, d’après ce que nous disent les médias. Les gens nous remercient même du travail qu’on fait lorsqu’ils viennent voter. Bon, à part une personne qui a demandé un sac à vomi après avoir voté… »

Et si l’exception était représentative d’une part non négligeable des citoyen-ne-s qu’il serait temps de prendre en compte ? Emmanuel Macron se penchera-t-il sur la question ?

Rédactrice Maze Magazine. Passée par Le Monde des Livres.

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