De l’enlèvement à la réinsertion, Jonathan Littell brosse dans Wrong Elements les portraits d’enfants soldats du groupe armé LRA en Ouganda et de leur évasion. Devenus motos taxis, que reste-il de leur vie le fusil sur l’épaule ?
Les personnages que nous suivons le plus sont tous des enfants enlevés par la LRA qui pour certaines filles sont devenues les femmes du chef Koni, violées et massacrées si elles refusaient, pour les autres : des enfants soldats. Ces enfants grandissent et s’enfuient comme la moitié des 60 000 enlevés. Ils reviennent à la ville et sont, selon le gouvernement, réintégrés dans la société. Mais leur enfance dans le bush, impossible de l’oublier : les cauchemars de ceux qu’ils ont tués certes mais simplement ça ?
Il semble que non et la finesse du film réside dans ce doute. Certains sont partisans de la LRA, ils y reviendraient si on les appelait. D’autres, lors de séquences oniriques où dans le bush, ils mettent en scènes la vie qu’il y avait, s’amusent. Un vieux fusil rouillé, et les gestes reviennent. Pendant que l’une cuisine, l’autre fait le guet. Ils font attention, ils sont en éveil. La fiction perfuse le documentaire, donne du souffle aux personnages. Les gestes auxquels ils se livrent face caméra ne sont pas que du jeu, ils exposent une façon de vivre. Ce que ces adultes savent, c’est que la paix n’existe pas, que le gouvernement et l’internationale ne l’apportent pas non plus : ils ont tué des amis à eux.
Jonathan Littell nous confronte aussi aux interventions des armées internationales et de centre-Afrique. Des viols et agressions commis notamment par l’armée américaine sur les civils, des camps créés en théories pour protéger la population de la LRA mais qui ne sont pas plus que des bidonvilles et des moyens de contrôle.
Si le film reste porté par une émotion humanitaire, il ne demeure pas moins l’illustration de la guerre : deux partis aux intérêts divergents, disputant un territoire.