CINÉMA

L’avenir du cinéma à toutes les échelles : rencontre avec Philippe Bachman

Maze a discuté de l’avenir du cinéma français avec Philippe Bachman, directeur  général et artistique du cinéma La Comète à Châlons en Champagne et programmateur du festival international de cinéma War On Screen. 

Quelle est votre définition de l’avenir ?

L’avenir c’est celui qu’on essaye de se faire.

Dans le cinéma ça vous inspire quoi ?

Il y a des forces en jeu en termes de financement des films, en termes de diffusion, des forces technologiques, des vraies révolutions qui sont en cours qui font que c’est assez difficile de savoir de quoi l’avenir sera fait. Je pense que comme toujours il va y avoir à la fois un bond en avant considérable technologique, du fait notamment de tout ce qui est VOD et en ligne et en même temps le maintien de choses de proximité qui peuvent sembler parfois archaïques mais qui sont aussi le ciment du vivre ensemble.

De proximité c’est-à-dire les cinémas…

Oui comme les cinémas, les festivals, il y a par exemple un nombre de festivals absolument hallucinant, c’est le fait de partager ensemble dans une salle ou même à l’extérieur sur un grand écran, c’est quand même l’inverse d’une tendance qui est beaucoup plus forte. Mais les deux finalement cohabitent et se développent. Il n’y a jamais eu autant de festivals qu’aujourd’hui, des salles il y en a eu plus mais des salles d’art et d’essai il y en a quand même beaucoup aussi et en même temps il y a cette tendance là qu’il faut évidemment pas minorer de pratique individuelle et de la révolution liée au web.

En temps que directeur de cinéma et de festival, vous côtoyez beaucoup de jeunes réalisateurs, est-ce que vous constatez un renouvellement du cinéma français et européen ?

Oui, heureusement, le renouvellement est permanent. Les jeunes générations, et je suis très confiant par rapport à ça, sont toujours innovantes et ont toujours quelque chose à raconter en opposition ou pas avec les générations précédentes. Elles sont capables de proposer des choses déconnectées de certaines pressions locales, globales. Je suis toujours confiant en la capacité de l’Homme à créer sur le plan artistique. Après il y a des données économiques, mais c’est un grand écart, ça coûte de moins en moins cher de faire des films et en même temps on a besoin de plus en plus d’argent pour diffuser quand on diffuse dans certains circuits. Ce grand écart là, les jeunes générations à mon avis ont une compréhension plus forte que ce qu’on peut avoir nous concernant un certain nombre de tuyaux de diffusion.

Alors plutôt optimiste quant à l’avenir du cinéma français ?

C’est toujours pareil, les deux ! Il y a des éléments qui sont inquiétants, il y a une espèce de lame de fond d’uniformisation des formats et des esthétiques très inquiétante et en même temps, il y a sous-jacent toute une série de jeunes réalisateurs qui sont extrêmement innovants et irrévérencieux par rapport à cette lame de fond là. Donc je fais confiance à l’esprit de création de certains artistes sans être naïf, il y a quand même cette lame de fond d’uniformisation qui est assez dramatique.

En matière de politique culturelle, vers quoi va la France ?

Je ne séparerais pas le cinéma qui est une industrie culturelle du spectacle qui lui n’est évidemment pas du tout une industrie. Il y a des points communs, la force c’est qu’on a des pouvoirs publics qui par tradition soutiennent la création sans ingérence, qui soutiennent la liberté de création et que ce soit au niveau local ou au niveau national. Ca c’est vraiment une force. Elle est mise à mal, mais l’a régulièrement été, donc finalement faut être vigilant par rapport à ça mais c’est une force qui se maintient. Après il faut essayer quand même de dézoomer parce qu’on est souvent le nez dans le guidon dans des choses qui sont très corporatistes à petite échelle. Et ça c’est le vrai problème de nos politiques culturelles et des acteurs culturels dont on fait tous partie, c’est-à-dire d’avoir un intérêt non pas collectif mais uniquement pour soi. Du style moi je défends tel créneau ou tel créneau sans avoir de vision d’ensemble, et ça c’est dramatique. La multiplication des labels par exemple, que ce soit en cinéma ou en spectacle est plutôt une preuve de paresse qu’autre chose à mon sens. Je trouve qu’il est temps de remettre tout à plat et de penser avec une vraie vision d’avenir, ce qui est malheureusement peu le cas puisqu’on est la tête dans le guidon les uns et les autres, que ce soit les politiques, les professionnels et donc c’est un peu dramatique parce que du coup on est dans une fuite en avant qui est faite de beaucoup de paresse en fait, de beaucoup de peur. On n’avance pas avec la peur. C’est très compliqué de présenter ce qu’on fait à l’international parce que c’est incompréhensible, il y a tellement d’arcanes diverses et variées, tellement de niveaux à la fois verticaux et horizontaux et de dispositifs que c’est impossible quand on est étranger de s’y retrouver. Du coup on est assez peu outillé pour l’export. On a un réseau fort en national, donc il y a des gens qui n’ont pas besoin de ça, il y a des gens qui vivent très bien non seulement en France mais dans une seule région même. Paradoxalement, il y a des petits pays qui s’exportent plus parce qu’ils n’ont pas le choix. La France est dans un relatif confort.

Secrétaire générale de la rédaction du magazine Maze. Provinciale provençale étudiante à Sciences Po Paris. Expatriée à la Missouri School of Journalism pour un an. astrig@maze.fr

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