ARTLITTÉRATURE

Henri Michaux Face à face au Centre Wallonie-Bruxelles – Henri Michaux double

Henri Michaux est une des figures les plus insaisissables de la littérature et de l’art du XXème siècle ; une belle exposition au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris revient sur le parcours atypique de ce poète artiste.

Henri Michaux a beau s’être fait naturaliser français en 1955, c’est bien comme belge qu’il est né, plus précisément à Namur. C’est pourquoi le centre Wallonie-Bruxelles de Paris le célèbre en reprenant une exposition créée à Bruxelles en 2016 à la Bibliotheca Wittockiana, comme pour mieux poser une première dualité chez le poète, français naturalisé mais belge d’abord. Le caractère double d’Henri Michaux s’incarne dans le titre de cette très belle exposition : Henri Michaux Face à face, comme s’il y avait deux Henri Michaux dont il fallait saisir le dialogue. L’exposition met en avant la difficulté à percevoir un artiste mystérieux qui refusait le plus souvent de se faire représenter, et qui n’a eu de cesse de mettre en scène sa propre recherche, en tant que poète, artiste et homme.

L’exposition s’ouvre avec une salle revenant sur la biographie d’Henri Michaux, établie de façons atypique par lui-même, avant de proposer un parcours en trois temps, interrogeant le rapport de Michaux à son propre art mais aussi à d’autres œuvres d’art et artistes. L’exposition bénéficie d’une scénographie réussie, qui allie les tableaux de Michaux et des extraits de ses livres, et d’une grande richesse d’œuvres et de documents, qui permettent d’éclaircir le parcours d’un poète artiste qui a toujours préféré se définir comme un amateur, toujours ouvert à l’expérience.

Peinture sans titre de Henri Michaux

Expériences

Henri Michaux commence à publier ses poèmes au début des années 1920, mais très vite il se met à dessiner et peindre et poursuit tout au long de sa carrière cette double pratique en cherchant toujours à interroger ces pratiques. En artiste moderne, Michaux s’intéresse également beaucoup au cinéma qui influence son écriture, mais aussi à la musique ou à la science. L’expérience est au centre de la pratique de Michaux qui va jusqu’à tester l’influence de drogues comme le cannabis ou la mescaline sur sa peinture, sur ses dessins ou ses poèmes. Des expériences qui lui vaudront parfois d’être vu comme un drogué alors que la démarche de Michaux est purement scientifique et ne cherche pas à faire la promotion de la drogue. On retrouve ainsi dans cette exposition quelques dessins sous mescaline ainsi qu’un grand nombre de tableaux étranges où Michaux interroge la forme humaine à travers des représentation monstrueuses ou fantomatiques, autant influencées par l’abstraction ou le surréalisme que l’art brut.

Dessin mescalinien de Henri Michaux

Dialogues

Les pratiques poétique et picturales de Michaux, loin d’être dissociées, se conjuguent dans le même but de l’expression d’une recherche de soi-même, comme l’indique le sous-titre de la première partie de l’exposition : « des mots pour se dire, des images pour se trouver ». Cette quête s’accomplit aussi par un dialogue avec d’autre artistes, poètes (Jules Supervielle) ou peintres (Magritte, Zao Wou Ki …) pour lesquels il a écrit des textes ou réalisé des dessins, ou avec qui il a beaucoup échangé.

Extrait de Lecture de huit lithographies de Zao Wou-ki

La dernière partie de l’exposition se nomme « portraits » et pourrait résumer l’intégralité de l’exposition. Michaux n’a pas tant cherché à réaliser son autoportrait que des portraits de lui-même, exécutés par un double, extérieur à lui-même. Henri Michaux reste autant insaisissable pour nous qu’il ne l’a été pour lui-même. Mais cette exposition permet au moins de mieux comprendre les enjeux du dialogue entre les doubles faces de ce poète artiste mystérieux et de replonger dans la lecture de ses nombreux poèmes.

Henri Michaux en sept dates :

24 mai 1899 : Naissance à Namur (Belgique)

1927 : Publication de Qui je fus

1937 : Première exposition de ses gouaches à la galerie Paul Magné (Paris)

1950 : Publication de Lecture de huit lithographies de Zao Wou-Ki

1955 : Naturalisation française

1956 : Expérience de la mescaline, Misérable miracle

19 octobre 1984 : mort à Paris

“Henri Michaux, Face à Face”
Au Centre Wallonie-Bruxelles (Paris) jusqu’au 21 mai 2017

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