Crédit photo : Gaelle Evellin
Derrière Manceau se cache un quatuor formé en 2010. Après un premier album en 2012 et une tournée, notamment en Asie aux côtés de Juveniles et Yuksek, les Rennais de Manceau ont dévoilé en février dernier leur deuxième album, I Wanna. Un album auto-produit de pop élégante et ensoleillée.
Comment est né Manceau ?
Nous nous sommes rencontrés en partageant l’affiche de plusieurs concerts car nous jouions tous les quatre dans des groupes plus ou moins pop. C’était sous l’ère de My Space. A force de se croiser, on a fini par se découvrir des goûts en commun. On a réellement décidé de faire de la musique ensemble quand Julien a retrouvé de vieux morceaux et qu’il les a mis en ligne. On s’est dit que ces morceaux méritaient d’exister sur scène. C’était des compositions plutôt folk et très mélodiques qui se sont ensuite retrouvées sur notre premier EP.
Votre premier album Life Traffic Jam est sorti en 2012. Pourquoi avoir attendu 5 ans pour ressortir un nouvel album ?
Cinq ans, ça peut paraître long mais nous avions besoin de prendre le temps pour nous ouvrir a de nouvelles inspirations et surtout ne pas refaire le même disque. Nous avons d’abord hésité sur la direction que l’on souhaitait prendre. Nous savions par exemple que nous voulions un son plus brut, moins synthétique. Cette phase a pris un peu de temps mais elle a été ponctuée de concerts et de tournées à l’étranger qui nous ont beaucoup nourri. Une fois les cadres posés, la phase d’écriture a été relativement rapide. Nous avons beaucoup composé pendant cette période et aurions pu sortir ce disque plus tôt, mais on avait besoin d’aller au bout de certaines idées, de certains morceaux.
Parlez-nous un peu de I Wanna : comment s’est passé l’écriture de ce deuxième album ?
Après la sortie du premier album, on s’est remis à composer assez rapidement. On avait en tête de faire un disque moins arrangé et de le sortir vite. Ça n’est pas vraiment ce qui s’est passé ! Nous prenons toujours pas mal de temps a valider la structure finale ou les arrangements d’un titre. Et là on s’est rendu compte qu’on était pas très convaincus des premières idées. On a donc fait une pause dans laquelle on a pu chacun s’investir dans d’autres domaines ou dans des projets parallèles tout en continuant à nous envoyer des idées. Finalement les choses se sont un peu débloquées quand on a décidé d’auto-produire l’album et d’en confier la réalisation à Julien (dont le nom de producteur est Timsters). Nous l’avons enregistré chez nous, à Rennes, et dans plusieurs lieux : les batteries au studio Cocoon, les basses et guitares dans notre local de répétition et tout le reste dans le studio de Julien baptisé « Elephant & Castle ».
Avec le recul, ce qui a pu être marquant c’est que ce ce disque qui évoque souvent le mouvement, qu’il soit géographique ou mental, a été crée dans des lieux très confinés. On aime bien ce côté élastique et fantasmatique. Un peu comme quand le Douanier Rousseau peignait des jungles colorées et irréelles depuis son atelier. Autre constatation : malgré les hésitations, flottements et doutes (ce qui arrive souvent quand on est soi-même producteur), l’envie de mener ce projet d’album à terme a été la plus forte. On donne naissance aux morceaux mais à un moment ce sont eux qui nous guident.
Pour le premier album, vous vous étiez entourés de Xavier Boyer et Pedro Resende de Tahiti 80. Pourquoi cette volonté de s’auto-produire pour celui-là ?
Nous avons beaucoup appris avec Xavier et Pedro. Cette expérience nous a tous beaucoup marqué. C’est avec eux que nous avons réalisé que la production est une histoire de choix et d’exigence. Nous avons crée notre label Monophonics sur lequel est sorti notre premier album au moment de sa sortie. Le fait de nous être structuré et d’avoir beaucoup appris à leurs côtés nous a donné confiance pour prendre les rênes de ce nouvel album. Mis à part l’Artwork, on est responsables de toutes les étapes de la fabrication de ce disque : de l’écriture à la conception du vinyle. Cet album, c’est nous. C’est un moment de nos vies et on l’assume à 100 %, y compris ses maladresses.
Vous êtes guidés par la volonté de faire une musique décomplexée ?
Nous avons tous les quatre une haute idée de la pop. Pour nous, il n’y a pas de hiérarchie entre un morceau comme Faith de George Michael, Multilove de Unknown Mortal Orchestra ou Dans la maison vide de Polnareff. Il ne faut pas avoir peur de flirter avec le mauvais goût car la pop est une musique qui se nourrie de tous les styles et que ne demande qu’à s’y frotter. De plus, nous avons chacun aussi bien du Eliott Smith que des trucs plus douteux des 90’s dans nos mémoires d’auditeurs. C’est ce mélange qui ressort d’une manière inconsciente quand on compose. Le mauvais goût reste de toute façon une notion très subjective. Nous sommes attachés à cette idée plus anglo-saxonne que française que cette musique peut allier exigence et toucher un large public. Un groupe comme les Smiths étaient très populaire en Angleterre alors qu’ils étaient plus qu ‘indés en France. C’est toute la différence.
Entre 2012 et 2016, vous avez fait une série de concerts, notamment en Asie. Qu’est-ce que vous avait apporté cette expérience ?
Oui, toute proportion gardée, on a la chance de pouvoir toucher un public plus large là bas et d’être à l’affiche de festivals importants. Ces séjours en Corée, Japon ou Chine ont été très inspirants et nous ont permis de briser certaines frontières qu’on se met parfois dans la tête. Par exemple, le métal est une musique très populaire en Chine alors qu’on la regarde malheureusement toujours avec un peu de condescendance ici. Ces différentes tournées nous ont permis de consolider des liens forts avec un public qui n’ a pas d’à priori sur le type de pop que l’on fait, souvent qualifiée hâtivement de « légère » ou « ensoleillée ». Pour le live par contre, cela n’a pas forcément modifié notre approche. Nous avons une proposition qui ne change pas énormément si l’on joue à Laval ou à Seoul !
Qu’est ce qui va changer sur scène avec ce nouvel album ?
De même qu’on a souhaité avoir un Artwork très épuré pour la pochette, on a souhaité revenir à quelque chose de plus direct : guitares, basse et batterie. Cela nous force à envisager les morceaux autrement, leur redonner une seconde vie et ça permet de ne pas nous lasser. On se sent plus libres qu’à l’époque où nous jouions avec plusieurs claviers et samplers sur scène.
Pour la sortie de cet album, on sent un vrai travail sur l’univers visuel, notamment avec la sortie d’un triptyque de clips. C’est primordial pour vous ?
Plus on avance et plus l’aspect visuel compte pour nous. On conçoit d’ailleurs les clips et la pochette comme un prolongement de l’album. L’univers balnéaire et les images ou souvenirs auxquels il renvoie s’est progressivement imposé. C’est un univers qui appelle aussi bien l’euphorie que la mélancolie, un peu comme les photos de Martin Parr.



Pour « Life’s a Beach », le photographe Martin Parr a sillonné les stations balnéaires les plus courues. Crédit : Martin Parr.
Ces deux humeurs définissent également l’album que l’on peut scinder en deux faces distinctes. Le triptyque vidéo est une façon de prolonger les thématiques du disque et d’essayer quelque chose que l’on avait encore jamais fait.