CINÉMA

Portraits de femmes – Interview avec Kelly Reichardt

C’est à l’occasion du film Certaines Femmes, sortie le 22 février au cinéma, que nous avons rencontré sa réalisatrice Kelly Reichardt. Si le film semble mettre en avant les divers questionnements des femmes dans la société notamment par le choix des personnages principaux, tous féminins, la cinéaste ne considère pas avoir fait uniquement un film pour et de femmes. Rencontre.

Vous avez choisi de présenter des femmes qui doivent faire face à des défis du quotidien, excepté peut-être pour Laura dont la situation m’est apparue plus exceptionnelle. Pensez-vous que les femmes doivent prouver plus de choses que les hommes aujourd’hui ?

Il n’y a pas réellement de bonne réponse à cette question. C’est tellement vaste. Je dirais que c’est différent pour tout le monde. Il faut considérer la classe sociale, si la personne est issue de l’immigration, etc…

En tout cas, l’élection de Donald Trump a prouvé qu’il y a encore beaucoup de sexisme en Amérique. C’est quand même un homme qui est connu pour avoir agressé sexuellement des femmes ! Et je pense que c’est très révélateur de ce qui se passe aujourd’hui dans plein d’entreprises et de bureaux de travail.

En même temps c’est très compliqué de qualifier ce qu’est le sexisme. Il est plus difficile d’identifier et de parler du sexisme que du racisme car il apparaît dans de plus petites situations et se passe derrière des portes closes.

Vous avez parlé de l’Amérique. Pensez-vous que le sexisme se manifeste différemment dans des pays comme la France ?

Vous savez, c’est déjà très difficile pour moi de parler du sexisme en Amérique.  Alors à l’extérieur… Mais en ayant rencontré de jeunes réalisateurs français, je sais qu’il y a plus d’opportunités dans le cinéma pour les hommes. C’est l’impression que j’en ai eu en tout cas.

Avez-vous eu l’impression qu’en tant que femme il ait été plus difficile d’accéder au monde de la réalisation ?

Bien sûr ! Les hommes avec lesquels je suis allée à Sundance en 1993 (ndlr : festival américain de cinéma indépendant) étaient beaucoup plus à réaliser des longs métrages quand nous n’étions même pas présentes aux festivals. Je crois qu’il n’y avait que deux femmes à cette époque. Le cinéma indépendant était tellement réservé aux hommes que je ne me posais même pas la question de savoir si je faisais partie du groupe. J’ai juste trouvé ma propre voie avec l’aide de deux producteurs. Nous, et comme un simple groupe de personnes, avons juste trouvé le moyen de faire des films en dehors des circonstances établies. Oui, à l’époque, le cinéma indépendant ne semblait pas être ouvert aux femmes et ça m’a pris dix ans pour me sortir de cette idée.

 J’ai eu l’impression que votre film jouait avec les stéréotypes. Dans le portrait de Laura, on voit un homme pleurer, des policiers être effrayés… C’était une volonté de votre part ?

J’espère que ce ne sont pas des stéréotypes. C’est le problème de parler des hommes et des femmes uniquement en tant que genre… Ce sont des personnes qui essaient simplement, femmes comme hommes, de faire face à leurs problèmes.

Vous avez pensé à faire des personnages indépendamment de leur genre.

Je suis intéressée par les personnages. Je crée des personnages, avec leurs problèmes. Et je pense que les situations que ces femmes traversent peuvent être aussi applicables à des hommes.

Le personnage de Fuller a un vrai problème, sa vie est tourmentée. Il n’y a pas de réelle justice pour lui. Il est dans la cinquantaine et il est complètement pris par ça. La seule différence avec une femme ou une personne de couleur, c’est qu’il fait partie d’une catégorie où il peut encore croire qu’une certaine forme de justice est possible. Il se heurte vite au contraire.

Vous avez choisi comme actrices des femmes de différents âges, de différents milieux. Pourquoi elles ? Représentent-elles quelque chose en particulier ?

C’étaient juste des actrices que j’aimais bien. Je n’ai pas pensé en termes de signaux spéciaux à envoyer au spectateur. J’aime tous mes personnages. Les hommes et les femmes et la manière dont ils sont reliés aux animaux, aux paysages…

Jamie a grandi avec des hommes. Pensez-vous que grandir avec des hommes change la façon dont on se voit en tant que femme ?

Pour elle oui certainement.  Mais qu’elle grandisse dans un ranch était plus lié au fait que c’est un endroit où elle peut partager des choses très personnelles avec elle-même.

Vous savez, j’ai essayé de construire un film en tant que succession de petits moments. Je n’ai pas essayé de faire passer un message en particulier. Ils sont juste ce qu’ils sont.

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