CINÉMA

Les Oubliés – Chassez l’abjection, elle revient au galop

Derrière ses allures de film de guerre viscéral et audacieux, Les Oubliés cache un film d’une perversité rare.

Machine de guerre

A première vue, Les Oubliés a tout du film de festival plaisant mais oubliable : esthétique léchée, dramaturgie convenue, interprétation convaincante… Et c’est peut-être en cela qu’il est profondément abject : sous couvert de représentation d’un versant de la Seconde Guerre mondiale peu connu (le déminage des plages danoises en 1945 par des adolescents allemands réquisitionnés par les forces alliées), s’installe petit à petit un système aussi pervers que dérangeant.

Contrairement au remarquable Démineurs où le danger de l’explosion était omniprésent mais pas inévitable, Martin Zandvliet procède à un jeu de massacre systématique et à terme prévisible de ses personnages. Ainsi, rapidement, le récit s’engonce dans un enchaînement de clichés, et le réalisateur fait appel à des procédés immondes pour susciter l’empathie du spectateur entre deux explosions sanguinolentes : petite fille innocente perdue dans un champ de mine, animal qui meurt en sautant sur une mine pour aller chercher un ballon… Jamais ne semble se dessiner le moindre semblant d’ambiguïté morale ou de volonté d’aller à l’encontre des attentes du spectateur : Les Oubliés fonce droit vers son objectif (rendre compte de la violence de cette campagne de déminage) sans jamais prendre le temps de s’interroger sur les modalités morales de cette représentation.

Les Oubliés, 2016, Bac Films

Le grand retour de l’abjection

Alors oui, Les Oubliés est intense, oui, les Oubliés est magnifiquement éclairé, mais c’est aussi est un film d’une abjection rare, en appliquant les codes d’un slasher de seconde zone à un sujet sensible et complexe, et ce sans aucun état d’âme. Si cette grossièreté n’est en aucun cas acceptable pour un troisième film, elle ne semble visiblement pas déranger l’académie des Oscars, qui a jugé bon de lui permettre de concourir face à Toni Erdmann pour la statuette du meilleur film étranger. 57 ans séparent le film de Martin Zandvliet du Kapo de Gillo Pontecorvo, mais l’abjection de ce dernier que critiquait Jacques Rivette se retrouve, et semble visiblement avoir de beaux jours devant elle.

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