Le duo d’écrivains belges composé de Véronique Biefnot et Francis Dannemark est de retour. Après Kyrielle Blues, La route des coquelicots et Au tour de l’amour, les deux passionnés nous livrent Place des Ombres, après la brume, un roman unique et inqualifiable.
Il semblerait que les auteurs belges ont le goût du risque. Biefnot et Dannemark, amis de longue date et duo phares de la littérature francophone de Belgique, ne cessent de se lancer des défis. Ils sont chacun des écrivains accomplis dont on ne doit plus démontrer le talent. Francis Dannemark s’illustre dans un style frais et apaisant, tandis que Véronique Biefnot a conquis ses lect·eur·rice·s par sa capacité à immerger complètement son public dans ses univers étouffants. Quand ils se mettent à écrire d’une seule voix, il en résulte toujours un feu d’artifice à la fois imprévisible et réussi.
Kyrielle Blues était traversé d’une mélodie nostalgique, La Route des coquelicots portait la trace d’un besoin d’évasion, Au Tour de l’amour distillait des perles de joie au fil de ses pages. Tous les précédents ouvrages étaient marqués par une unité, ou tout au moins un fil conducteur. Déjà audacieu·ses·x, mêlant littérature, peinture, poésie et art plastique, on ne s’imaginait pas que les auteur·e·s puissent aller plus loin dans le renouvellement des genres. Pourtant, leur nouveau roman casse bel et bien les codes.

Credit – Kyrielle éditions
Place des Ombres, après la brume ne peut résolument être classé dans un genre ou dans un style littéraire particulier. Les plumes entremêlées oscillent entre le fantastique, le thriller et même parfois le conte merveilleux.
L’histoire est simple en apparence. Lucie, jeune provinciale, vient s’installer à Paris pour ses études. Un peu perdue dans sa nouvelle vie, elle rencontre Evariste Jussieux, herboriste plus tout jeune et bienveillant. Soucieux de la voir s’épanouir, il prend soin d’elle, la dorlote, et en vient même à lui offrir un appartement dans un immeuble de son quartier. Plusieurs mystères planent autour de cette bâtisse ; d’où viennent les bruits et les fissures que Lucie entend chaque nuit ? Pourquoi son nouveau logis lui fait faire autant de cauchemars incompréhensibles ? Quels secrets cache la propriétaire des lieux Madame Latourelle ?
“Vision obsédante de murs, de rues qui se succédaient, entrecoupée de flashs aveuglants, brûlant la pellicule de ce rêve en marche… Et cette voix grave qui grondait dans sa tête.”
Place des ombres, après la brume – Kyrielle édition (p. 56)
Derrière la quête d’une vie adulte entreprise par Lucie se cachent des secrets de famille, des étrangetés de quartier et une présence insondable qui tient le lecteur en haleine une bonne partie du récit. Le malaise sous-jacent est maîtrisé à la perfection ; mais on connaissait et reconnaissait déjà cette qualité d’écriture à Véronique Biefnot dans Les murmures de la terre.
La lecture est très rapide puisqu’on ne peut résister à l’envie de savoir pourquoi une chape de mystère plane sur tous les protagonistes. Cette rapidité de lecture est contrebalancée par la longueur du roman (500 pages) et les temps d’attente éparpillés çà et là.
Les ambiances mouvantes, tantôt envoûtantes, tantôt angoissantes, brassent un large horizon de sensations. On passe par absolument tous les stades émotionnels imaginables ; la tendresse face à la naïveté de Lucie, l’angoisse devant l’étrange propriétaire de l’immeuble, la fébrilité lorsque tous les fils épars se connectent enfin pour mener à une résolution des plus étonnantes.
On ne peut que vous conseiller de courir en librairie vous procurer Place des Ombres, après la brume. Si vous êtes amat·rice·eur·s d’ascenseur émotionnel, ou si vous souhaitez simplement avoir une énième preuve du talent inestimable du duo Biefnot – Dannemark, ce roman audacieux ne pourra que vous plaire.