SOCIÉTÉ

En Scandinavie, les derniers autochtones

Habitants de l’Europe du Nord et répartis sur quatre pays, les Saames sont le dernier peuple autochtone du continent. Arrivés il y a 10 000 ans en Scandinavie, leur histoire a été chaotique : entre colonisation, racisme, et discrimination, les Saames ne sont aujourd’hui pas encore tout à fait acceptés dans la société. Les avancées concernant leur statut et leurs droits, même si nécessaires, restent tout de même limitées.

Estimée à environ 80 à 100 000 personnes, la population Saame doit se battre pour survivre. Ce peuple, le plus vieux d’Europe selon des découvertes archéologiques (environ 10 000 ans), vit sur un territoire s’étendant sur quatre pays du Nord de l’Europe : la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie. Traditionnellement éleveurs de rennes, chasseurs et pêcheurs, les Saames sont les derniers autochtones d’Europe, menacés aujourd’hui par l’absence de statut reconnaissant leurs droits et par la déliquescence de leur culture, qui n’est pas acceptée partout.

Appelé Sàpmi ou Laponie, leur territoire s’est rapidement réduit : la colonisation de leurs terres, l’exploitation de leurs ressources et le commerce ont commencé au Moyen-Âge et se sont intensifiés aux treizième et quatorzième siècles. Avec l’avènement des frontières, les Saames ont dû séparer eux-mêmes leurs territoires ; malgré cette partition, ils ont été en mesure de conserver en grande partie leur indépendance, du moins dans les régions sous autorité suédoise.

Mais leurs droits principaux, ceux qui leur donnaient accès à la terre et à l’eau, nécessaires pour leurs activités, qu’ils avaient acquis sous le règne du roi Gustave Vasa (au seizième siècle), ont été contestés au dix-neuvième siècle, au moment des révolutions industrielles. La découverte de mines de matières premières au grand Nord a rapidement conduit à une exploitation intense des terres, qui était toutefois limitée par le droit de la population à jouir de leurs terres et de l’eau. Pour éviter cela, les pays scandinaves ont modifié leurs politiques envers le peuple autochtone, pour permettre une colonisation plus aisée. 

Ainsi, avec l’apparition des théories de Darwin et du « racisme biologique », l’infériorité supposée du peuple Saame est devenue normale, presque institutionnalisée. La culture et la race suédoise, plus évoluées que les Saames, primitifs et arriérés, justifiait alors les politiques d’assimilation, les déplacements et la christianisation forcés, et la fin de leurs droits fondamentaux. En Suède, il était courant que l’Etat retire leurs enfants aux Saames pour les placer en internat, et ceux qui restaient à l’école se voyaient interdire de parler leur langue. Oppressés, les Saames ont souvent dû changer de patronyme et n’ont pas transmis leur langue à leurs enfants. Cela explique le fait qu’en Russie, sur l’ensemble du territoire et en particulier la presqu’île de Kola, là où se trouvent en grande partie les Saames, leurs dialectes soient en voie de disparition ; l’UNESCO en recense trois : le saami Kildin (environ 800 locuteurs), le saami ter (10 locuteurs), et le saami akkala (éteint).

Des avancées mitigées 

Mais la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’adoption en 1948 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, a représenté un tournant incontestable pour les Saames. Désormais, il leur est plus facile de s’organiser politiquement, puisque les préjugés racistes qui existaient auparavant ne peuvent plus être approuvés au niveau de l’Etat, ni poursuivis avec des politiques discriminatoires. Aujourd’hui, ceux qui vivent en Finlande, Norvège et Suède, sont reconnus comme des populations autochtones, ayant certains droits politiques à l’intérieur de chaque nation, même si ce ne sont pas les mêmes partout.

Dans la seconde moitié du vingtième siècle, ils demandèrent et obtinrent le statut de nation à part entière pour toute la population, qu’ils vivent en Norvège, Suède, Finlande ou Russie. Ils ont également essayé de faire accéder le saame au rang de langue officielle, et ont voulu obtenir la restitution de leurs terres ancestrales, ce qui a été encouragé par l’Organisation des Nations Unies mais qui n’a pas encore été accepté par les pays concernés.

Vers de nouvelles initiatives ? 

Si aujourd’hui, leur niveau de vie ne diffère plus vraiment de celui de l’ensemble de la société, car en plus de l’élevage de rennes, ils ont un emploi traditionnel ainsi que des conditions sociales « normales », les pays scandinaves n’ont pas encore accepté de leur donner tous les droits. Ainsi, seule la Norvège a signé la Convention ILO 169, obligeant l’Etat de « reconnaître aux peuples concernés le droit de propriété et de possession de leurs territoires traditionnellement occupés ». Le droit à la terre reste un sujet sensible.

Les Saames ne sont pas protégés et reconnus au même degré dans les quatre pays. Ils n’ont pas le droit à l’auto-détermination, leur culture et leur style de vie ne sont pas protégés. L’éducation en saame, par exemple, est restreinte à certaines zones géographiques, mais tous les enfants saames ne vivent pas dans ces zones, et donc ne peuvent profiter d’une éducation dans leur langue d’origine.

Ces dernières années, on a essayé d’adopter une convention Saame : ce serait la première convention d’un peuple autochtone, qui leur accorderait des droits comme l’auto-détermination, le droit d’avoir leur propre langue officielle et leur culture, le droit à la terre et à l’eau, et le droit d’être consultés pour les décisions qui les concernent. Ce serait un approfondissement de la convention de l’ONU qui existe déjà sur les droits des peuples autochtones, mais malheureusement il n’y a pas eu d’avancées dans les négociations depuis 2005. 

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