ARTLITTÉRATURESOCIÉTÉ

Une nouvelle année culottée avec Pénélope Bagieu

Quoi de mieux pour commencer l’année qu’une bande dessinée qui remue un peu la poussière des livres d’histoires en évoquant les vies et les actes de grandes femmes ? Culottées – Des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent (22 septembre 2016, Gallimard) de Pénélope Bagieu nous narre les histoires incroyables de nombreuses femmes qui ont eu du culot et qui ont fait l’histoire, mais, comme vous vous en doutez, et c’est là que le bât blesse, qui sont à peu près tombées dans l’oubli ou dont on n’a tout simplement pas fait mention dans les livres d’histoire ou dans le discours ambiant.

Quel plaisir de lire et d’admirer des portraits de femmes et qui plus est, non européo-centrés ! En effet, Bagieu brosse le portrait de Lozen, guerrière apache, des hermanas Mirabal, farouches révolutionnaires de République dominicaine, de Leymah Gbwee, travailleuse sociale au Libéria, d’Annette Kellerman l’inventrice australienne du maillot de bain qui ne gêne pas les mouvements des femmes, de Ninza, reine de Ndongo et du Maamba, de Wu Zetian, ex-concubine devenue la seule impératrice de l’histoire de la Chine… Sans oublier évidemment notre femme à barbe française Clémentine Delait, ou bien l’éternelle et inoubliable Joséphine Baker dont on se dit que, non, vraiment, les bananes autour de sa taille ne peuvent pas être ce qui doit rester dans l’imaginaire collectif. Cette américaine, naturalisée française en 1937, a œuvré dans la Résistance française avec un courage monstre, prenant de nombreux risques pour combattre le nazisme en se faisant agent de contre-espionnage pour les services secrets de la France Libre. Profitant de son statut de danseuse-chanteuse dans ses nombreuses tournées pour glaner les informations, elle reste aujourd’hui célèbre pour avoir dissimulé les messages secrets dans ses partitions de musique. Et comme cela ne suffisait pas pour Madame Baker, elle s’est aussi engagée dans les Forces Féminines de l’Armée  de l’Air Française, et, une fois la guerre finie et après avoir reçu la Médaille de la Résistante ainsi que la Légion d’honneur, elle a œuvré contre le racisme.

« Culottées » , détail page 50, Lozen, guerrière et chamane © Pénélope Bagieu

Quoi qu’elles aient fait, du plus petit acte comme inventer un moyen biologique de protéger un phare (Giorgina Reid) au plus grand comme marquer l’histoire scientifique des télécommunications en inventant la « technique Lamarr » (Hedi Lamarr), un système de codage des transmissions appelé étalement de spectre afin de codifier les transmissions de messages en temps de guerre, à l’origine de notre GPS, des communications téléphoniques d’aujourd’hui, ces combattantes hors normes ont toutes un point commun. Celui d’avoir dû résister doublement : en plus d’avoir déjà une cause difficile à défendre pour n’importe qui, elle devaient résister également à l’oppression envers les femmes, qui entend leur donner un rôle préconçu. Ces femmes, et n’importe quelle femme qui lutte à petite échelle, font donc faire face à deux fois plus d’adversité.

Mais comment ne pas parler du coup de crayon vif et coloré de Bagieu ? Il sert magnifiquement bien le scénario aux clins d’œils féministes et absolument drôlatiques – bien qu’à la fois effrayants – et nous offre un intermède  pictural entre chaque histoire. Une double page se déroule sous nos yeux mettant en scène l’héroïne concernée. Un régal.

Avec un humour cinglant et sur un rythme allègre, le tout évidemment accompagné d’un trait de crayon singulier et d’un choix de couleurs réfléchi, la bande dessinée de Pénélope Bagieu ainsi merveilleusement menée nous donne non seulement envie de lire toutes les biographies de ces femmes (quinze en tout) et de réécrire les livres d’histoire de la terre entière ; mais elle nous fait, de surcroît, réfléchir à l’histoire et à la situation actuelle. Elle nous révolte, nous donne envie d’agir, de faire quelque chose de grand, de bon, comme elles, que l’on soit homme ou femme, et de servir l’intérêt commun et les droits des êtres humains. Rien que ça.

Sortie du tome 2 le 26 janvier. Si vous êtes curieux et curieuses, ainsi qu’impatients et impatientes, vous pouvez aller lire quelques portraits absolument merveilleux ici. Le tome 1 est également disponible entièrement ici.

 

Rédactrice Maze Magazine. Passée par Le Monde des Livres.

You may also like

More in ART