L’un relève d’une forme de socialisme et l’autre du conservatisme. Ils ne sont ni du même pays ni de la même génération. Et pourtant, beaucoup de similitudes politiques sont perceptibles entre Hugo Chavez et Donald Trump. Tour d’horizon d’une médiatisation hors normes.
Tout juste élu 45ème président des Etats-Unis, Donald Trump fait l’objet de vives critiques mais aussi de grands soulagements. Omniprésent dans les médias depuis le début de sa campagne, ce républicain a su user de stratégies médiatiques puissantes pour rester constamment sur le devant de la scène. Une telle médiatisation est recherchée et orchestrée par de nombreux chefs d’Etats mais pour des résultats très contrastés. C’est en cela que Donald Trump peut être comparé au défunt président vénézuélien Hugo Chavez. Ce dernier, en poste de 1999 à 2013, a su jouer de son image et d’une forte présence médiatique pour gagner la sympathie du peuple, une sorte de « Père de la Patrie », héritier de Simon Bolivar.
Tout deux ne sont pas arrivés sur l’échiquier politique sans s’imposer médiatiquement au préalable. A la suite du premier putsch manqué contre Carlos Andres Perez en février 1992, Hugo Chavez enregistre une vidéo dans laquelle il appelle les Vénézuéliens à l’insurrection lors d’un second putsch en novembre 1992. A sa sortie de prison, il fonde son propre parti politique et se fait élire président. Après une présence télévisuelle coup de poing, il instaure une médiatisation continue et privée de sa personne illustrée par l’émission « Alo Presidente ».
De la même manière, Donald Trump s’est imposé télévisuellement avec la création de l’émission « The Apprentice ». Pour l’Américain, qui n’a pas utilisé la force armée pour accéder au pouvoir comme Chavez, la puissance de l’image a été primordiale dans la construction de sa personnalité politique. Cette émission de télé-réalité, diffusée sur la NBC, était centrée autour d’une grande personnalité financière (lui-même), qui faisait passer à plusieurs postulants des épreuves d’embauches éliminatoires dans le but d’accéder à un poste très bien rémunéré. Les Américains ont appris à connaître cette figure du monde des affaires mais également à l’associer avec une idée simple : tout problème financier peut être résolu efficacement et facilement de manière autoritaire.
Grands provocateurs
S’imposer médiatiquement est une chose, mais préserver ce statut en est une autre. Les deux hommes politiques ont été — et Trump l’est toujours — de grands provocateurs. Très critiques et offensifs envers leurs opposants politiques, ils ont adopté un langage fort, rapide et sévère. Donald Trump s’est fait remarquer pour avoir qualifié à de nombreuses reprises, lors des débats télévisés, le républicain Ted Cruz de menteur jusqu’à le surnommer « Ted le menteur ». Leurs discours relèvent plus du sensationnel que du politique. L’avantage d’une telle parole ? Avoir un impact émotionnel immédiat chez l’auditeur ou le spectateur. Le choc provoqué est ensuite relayé maintes fois par les médias. C’est ainsi que l’on obtient la sur-médiatisation d’une personnalité.
Bien que le sensationnel soit équivoque, la parole est tout de même politique. Politique dans le sens de réfléchie et très orchestrée. Donald Trump a rendu visite au président mexicain Enrique Peña Nieto à Mexico, une rencontre qui s’est terminée par un discours diplomatique apaisé et construit. Pourtant, plus tard dans la même journée, il s’est rendu à Phoenix où il a prononcé un discours virulent au sujet des immigrés mexicains illégaux et de son projet de faire construire un mur-frontière entre les deux pays, mur qui serait financé intégralement par le Mexique. Donald Trump, tout comme Hugo Chavez, sont conscients des publics auxquels ils s’adressent.
La parole n’est pas seulement violente, elle est aussi fédératrice. Les deux hommes politiques promettent le retour à une nation forte, un retour qui ne peut se faire qu’en évinçant ses ennemis. Dans le cas du Vénézuela, les ennemis du pays étaient les « gringos », les Américains, leur hard et soft power. Hugo Chavez a contré cette toute puissance américaine lors de G15 (pays non alignés) et par la création d’une chaîne de télévision « qui diffuserait les informations venant du Sud » appelée communément « Télé Chavez ». A l’affirmation d’un ennemi commun à abattre, s’ajoute l’idée d’une communion du peuple autour de son chef. Par exemple, pour sa campagne présidentielle de 2006, Hugo Chavez avait développé un spot publicitaire appelé « Por Amor » (pour l’amour). Donald Trump a, quant à lui, choisi de nommer sa campagne présidentielle « Make America Great Again ».
Hugo Chavez tout comme Donald Trump ont été élus en tant qu’outsiders de la politique, le premier venait d’une famille modeste et le second est né une petite cuillère dans la bouche. De deux positionnements politiques différents, ils ont pourtant une perception populiste de la société : « nous contre eux ». Leur rhétorique est simple : utiliser les termes de classes, de nation et de races pour expliciter la société. De plus, les deux hommes semblent ne pas tenir compte des institutions publiques et des lois.
Chavez et Trump, As de Twitter
Pour rassembler le peuple autour de ses idées, Hugo Chavez a également créé une médiatisation forcée de sa personne. 2 544 heures, soit 7 h à 8 h par jour pendant un an et demi d’interventions de Chavez relayées par les médias ont été comptabilisées par Antonio Pasquali de l’Unesc. C’était un président qui parlait beaucoup, notamment dans des émissions « cadenas » retransmises simultanément sur toutes les antennes radios et télévisées. Et lorsque sa trachéotomie ne lui a plus permis de parler, Hugo Chavez a créé un compte Twitter pour s’adresser directement à son peuple.
Entre 2010 – la création du compte Twitter de Chavez – et 2013, année de sa mort, il a écrit plus de 1 800 tweets. Plus de quatre millions de personnes suivaient le compte du président, soit le président du monde le plus suivi sur le réseau social après les 27 millions de followers de Barack Obama et aujourd’hui les 16 millions de Donald Trump. Le compte lui permettait de poursuivre ses critiques contre ses opposants mais également d’annoncer certaines décisions politiques comme la hausse du salaire minimum ou la nomination de ministres avant même de les annoncer officiellement.
Twitter a été et reste un outil communicationnel majeur pour Donal Trump également. Tout comme l’ancien président vénézuélien, le site de microblogging lui permet une proximité totale avec ses électeurs. Mais pour lui, Twitter est aussi un moyen de se défendre contre des médias menteurs qui déformeraient ses propos. Il en a fait un outil de communication et de prise de position politique. Son utilisation massive de la plateforme a pourtant été le théâtre de provocations et d’insultes contre 282 personnes selon le New York Times.
A deux personnalités politiques bien différentes, une même façon de se positionner médiatiquement. A tout miser sur une sur-médiatisation, Donald Trump n’a-t-il pas perdu de vu son rôle de président de Etats-Unis ?