CINÉMA

Belle Dormant – Le temps est conté

Avec Belle dormant, le cinéaste espagnol Ado Arrietta adapte, dans une version contemporaine, La Belle au bois dormant pour livrer un conte fantaisiste sur le temps qui passe.

« Vous avez raté le XXe siècle ! », c’est le genre de nouvelles dont on ne se réveille pas indemne. C’est pourtant ce qui arrive aux habitants du royaume de Kentz, comme leur apprend la fée Gwendoline (Agathe Bonitzer), endormis depuis 1900 et qui s’éveillent en 2000 après une longue sieste qui leur parait une seule seconde. Ce n’est pas rien de rater un siècle entier, surtout le XXe, si riche en bouleversements. Ado Arrietta choisit donc pour son retour au long-métrage – son précédent, Flammes, date de 1978 – une méditation sur le temps qui passe, une adaptation contemporaine du conte de Charles Perrault, La Belle au bois dormant.

Comme dans tout conte, il y a un royaume, qui s’appelle ici Letonia ; il y a évidemment un prince, un beau blond joué par Niels Schneider, obsédé par deux choses : jouer de la batterie et aller sauver une belle princesse endormie (Tatiana Verstraeten). Son père (Serge Bozon) refuse cependant que le jeune prince aille dans le royaume de Kentz où dort la princesse depuis près d’un siècle, tout comme le reste du royaume, victime d’un sortilège d’une méchante fée (Ingrid Caven) lors de la naissance de la princesse. Le prince, n’écoutant que son obsession pour sa princesse, décide de désobéir à son père, avec l’aide de la fée Gwendoline et de son précepteur (Mathieu Amalric).

© Capricci Films

Sous l’influence de Cocteau et du Demy de Peau d’Ane, Ado Arrietta propose un conte qui transforme la réalité en fantaisie poétique. Les fées sont partout et la forêt entourant le royaume de Kentz devient jungle sauvage et dangereuse par la seule force de l’évocation. La transposition contemporaine permet au cinéaste espagnol une satire de la modernité de notre monde. Le jeune prince arrivé au royaume de Kentz sort son iPhone, et qu’importe si le fameux smartphone n’existait pas encore en 2000, pour photographier les habitants endormis du royaume, comme une visite d’un musée de cire. Plus qu’un simple jeu sur les anachronismes, Ado Arrietta propose la rencontre du XIXe siècle finissant avec le XXIe siècle débutant.

Cet intérêt pour le XIXe siècle a tout d’une forme de fétichisme pour un esprit fin de siècle et pour une vision symboliste et originel de l’art cinématographique. Ado Arrietta s’amuse du roi de la Letonia, angoissé par le déclin de son royaume et par la perte de valeurs de son fils, qui résonne avec la peur décliniste de notre époque. Mais le cinéaste veut croire que les différentes époques peuvent se comprendre et que l’amour et le désir perdureront. Après tout La Belle au bois dormant est un conte vieux comme le monde qui reste toujours aussi fort et s’adapte parfaitement au cinéma.

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