“Et si, au lieu de les murer, on utilisait avec audace et générosité les lieux temporairement inoccupés ? Les Grands voisins, c’est la démonstration qu’en plein centre de Paris, il est possible de faire exister, pendant quelques années, un espace multiple dont l’ambition centrale est le bien commun.” Cette citation est la première phrase de présentation du site “Les grands voisins“. Ambitieux ? Utopique ? Petit retour sur les acteurs et le déroulement de ce projet.
Rendez vous donc à l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, entre Port-Royal et Denfert-Rochereau dans le 14e arrondissement de Paris. Un grand panneau jaune avec le logo des trois organismes coordinateurs, voila l’entrée en territoire des Grands Voisins.
En premier lieu c’est à l’association Aurore que l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a confié l’ensemble du site. Pour la présenter en quelques mots, Aurore, créée en 1871, s’est donnée trois missions : hébergement, soin et insertion. Avec ces grands mots en tête, elle expérimente les formes de prises en charges, d’insertions sociales, d’accompagnements, tout en étant connectée au monde contemporain et à ses mouvances. Par la suite elle a été rejointe par deux autres organismes. Yes we camp, qui depuis 2013, s’interroge sur les thématiques de l’habitat en créant ou récupérant des espaces de partages souvent temporaires et Plateau urbain, qui étend sa vision à l’élaboration de lieux de proximité, de parcelles, en passant par la valorisation des ressources urbaines.

Dessin de Julien Vever, coloriage de Perrine Detrie
Ce sont donc ces trois associations Aurore, Yes we camp et Plateau urbain qui gèrent actuellement le projet des Grands Voisins. Le site regroupe des logements sociaux, un bar-restaurant, des serres de permaculture, des terrains de foot, une médiathèque et un camping. C’est un nouveau village au cœur de Paris qui propose des activités pédagogiques, culturelles et sportives (yoga, jeux, débats, etc), ouvertes aux publics, rythmées par l’organisation régulière de rencontres avec des intervenants et d’évènements en tout genre, comme par exemple l’hébergement du workshop inter écoles d’art qui a eu lieu en octobre et novembre dernier.
Tout cela est encadré donc par les trois associations Aurore, Yes we camp et Plateau urbain. Mais ce sont en réalité près de 600 personnes en situation de précarité ou d’exclusion et 500 salariés et artistes qui y sont logés et qui y « travaillent ». Des personnes sans domicile fixe, sans papiers, qui ont perdu contact avec la société, animent ces locaux dans le but de retrouver l’envie de s’intégrer. On s’y forme, on y retrouve une certaine estime de soi au travers du travail communautaire, on y trouve un rythme, une énergie. Les associations ont mis en place un système de troc de services et de temps, où on dédie donc un certain temps à une personne contre un service ou une marchandise. William Dufourcq, responsable du site pour Aurore, explique : « L’idée est de sortir de l’assistanat social pour les remettre dans un rôle de salarié, de consommateur, le tout dans une ambiance bienveillante de quartier. » Ce sont également des artistes et de jeunes créateurs qui s’y logent et y établissent leur atelier, dynamisant d’autant plus l’espace et créant plus de contacts, plus de rencontres.
Bien que le projet soit pour une grande partie auto-financé et porté par la ville de Paris, pour subvenir aux coûts de gestion – un million d’euros par an (presque la même somme que l’entretien du lieu demandait à la mairie) – les membres ont en effet décidé de proposer les espaces vacants contre une contribution aux charges. « Les Grands Voisins doivent aussi être un espace public utilisé par tous », note Elena Manente de Yes We Camp. Bien sûr tout ce travail se fait en partenariat avec l’Etat, les collectivités locales, les régions, les départements et les communes. Le dialogue avec les autorités qui financent les actions est nécessairement permanent.
Cette expérience est établie sur une durée de deux ans. Pendant ces deux ans, les 3,5 hectares du site ont été confiés aux trois associations, puisque qu’en 2017 la Ville de Paris les récupérera normalement pour y développer un éco-quartier. « Nous avons l’engagement de la Marie de pouvoir rester jusqu’au début des travaux. Mais quand ça démarre on part », explique Pascale Dubois de l’association Aurore. « Nous profitons donc de ce laps de temps pour développer ce projet d’occupation temporaire et montrer que l’expérience peut se faire ailleurs », commente Paul Citron, vice-président de Plateau Urbain.
Ce « village utopique » soulève de nombreux questionnements et montre aussi à quel point les structure déjà existantes restent inexploitées dans l’espace urbain, comment des microcosmes « alternatifs » peuvent se construire en dynamique avec le système et être efficaces. Pour la suite cela va peut-être aussi devenir un dialogue entre le milieu public, associatif et les entreprises privées qui sont de grands propriétaires fonciers.
Affaire à suivre…
Le site du projet : https://lesgrandsvoisins.org/