SOCIÉTÉ

Vers une victoire du populisme ?

Donald Trump aux États-Unis, Marine Le Pen en France… Ces leaders populistes attirent l’attention et remettent en cause l’avenir du paysage politique européen et nord-américain. Le populisme s’engage-t-il sur une voie victorieuse ?

Le populisme, qu’est-ce que c’est ?

Le populisme, c’est une philosophie, une manière d’agir, une façon de tenir un discours. C’est une idéologie qui rassemble le peuple autour d’une cause commune, au nom d’une supposée menace qui réside dans l’accaparement du pouvoir par l’élite ou dans l’attribution de privilèges à une catégorie de la population. Le populisme, c’est le discours du mécontentement. C’est l’expression d’une critique violente à l’égard d’un gouvernement prétendument corrompu, à l’égard des autorités et des élites. C’est une rhétorique de la peur agrémentée d’un propos conspirationniste.

Le populisme, c’est aussi un leader charismatique qui use des arguments politiques comme d’offensives envers ses adversaires, offrant un grand spectacle aux électeurs lorsqu’il participe à un débat. Cet individu, qui prétend représenter les intérêts du peuple mécontent, tient un discours rassembleur sur un ton assuré et ferme, avec une telle aisance qu’il parait presque invincible aux yeux des spectateurs.

Bien souvent, le populisme fait l’objet d’idées racistes et xénophobes, exprimées à travers un discours nationaliste où le peuple ne fait qu’un et où les intérêts nationaux doivent être considérés au premier plan. Pourtant, le populisme peut se manifester aux deux extrémités du clivage gauche/droite tant qu’il est représenté par un leader charismatique qui se positionne en force contre un statu quo. Par exemple, Jean-Luc Mélenchon est souvent assimilé au populisme.

Qui est-ce qui l’incarne et à qui il s’adresse ?

Les exemples de leaders populistes sont nombreux mais le plus adéquat et le plus actuel est bien sûr Donald Trump. Cet énergumène aux idées plus folles les unes que les autres est le leader populiste par excellence.

Donald Trump use d’un discours xénophobe, notamment à l’égard des Mexicains, mais aussi raciste envers les Afro-américains, islamophobe, misogyne, homophobe, nationaliste, conspirationniste et isolationniste et ce, sous la bannière d’un slogan pour le moins révélateur : « Make America great again » (“Rendre à l’Amérique sa grandeur”).

Son charisme et sa prestance reposent sur une rhétorique de la peur et de la haine qu’il exprime à travers l’impulsivité et l’arrogance : il parle fort et prend un ton violent, il coupe sans cesse la parole (surtout lorsque c’est une femme qui l’affronte, d’où son comportement misogyne) et se permet de contredire ses opposants alors même qu’ils exposent leurs idées. A l’écouter, on croirait que tout est un complot.

Le populisme s’adresse au « peuple ordinaire », à la majorité silencieuse vue comme un ensemble homogène d’individus bons et honnêtes qui s’indignent devant l’hypocrisie des élites et l’incompétence des politiciens. Il vise le citoyen ordinaire qui a le sentiment de ne pas être écouté et dont les intérêts sont délaissés pour favoriser les élites. Ce sympathisant-type est celui qui a perdu confiance et qui ressent du mépris et de l’exaspération à l’égard du gouvernement en place.

Trump joue effectivement sur cette dimension de représentant du peuple ordinaire pour gagner du soutien. Il se présente comme un outsider de la politique américaine, comme un self-made millionnaire qui vient exprimer l’indignation des Américains ordinaires, fatigués de l’inefficacité du gouvernement.

Comment expliquer la montée du populisme ?

Depuis plusieurs années, le soutien pour les leaders populistes et leurs idées s’accentue. On parle effectivement d’un « retour » du populisme, d’une « montée » ou d’un « ancrage » des idées populistes. Il est vrai qu’un peu partout dans le monde, et notamment en Europe, le populisme gagne progressivement du terrain. Donald Trump, Marine Le Pen, Norbert Hoffer, Geert Wilders et Nigel Farage sont autant de figures populistes qui suscitent l’intérêt ces temps-ci et qui viennent justifier le consensus autour d’une montée du populisme.

Mais comment expliquer une telle flambée ? Beaucoup de facteurs peuvent contribuer à expliquer ce phénomène, mais deux explications essentielles sont retenues par les spécialistes. La première réside dans l’insécurité économique qui caractérise les sociétés post-industrielles : on assiste à une restructuration économique qui résulte entre autre de l’automatisation technologique, de la mondialisation et des politiques d’austérité. Cette restructuration est à la base du développement d’une classe sociale en situation d’insécurité économique, celle des travailleurs non-qualifiés et sous rémunérés et des chômeurs de longue durée. La précarité de cette classe rend les individus qui la composent plus enclins à soutenir une idéologie anti-establishment et xénophobe : en tentant de pointer du doigt les responsables de leur condition, les individus sont conduits à éprouver du mépris pour les « non-natifs ».

Une deuxième explication se détache du marqueur économique et met l’emphase sur un phénomène social, qui repose sur une réaction réfractaire au développement des valeurs progressistes. La période d’après-guerre a laissé place à une ère de changements dans les valeurs culturelles des sociétés d’Europe de l’Ouest. Depuis cette période, le paysage politique a vu se multiplier les partis libertaires de gauches et les mouvements progressistes de protection de l’environnement, de défense des droits de la personne et de promotion de l’égalité des genres. Aujourd’hui encore, des lois comme celles sur le mariage gay en France et aux États-Unis représentent des avancées progressistes considérables. En parallèle de ces développements surviennent des réactions réfractaires qui viennent discréditer les acteurs du changement. C’est ce que l’on appelle le phénomène du cultural backlash ou phénomène du contrecoup. Les individus à l’origine de ce revirement sont essentiellement des hommes blancs peu éduqués et issus de la génération précédente, qui réagissent agressivement à la perte de leurs privilèges. Cette réaction se traduit par un soutien accru pour les idées populistes et expliquerait ainsi une telle ascension.

L’insécurité économique et le cultural backlash sont deux explications valables de la montée actuelle du populisme. Mais il faut faire attention : bien qu’il y ait un réel regain d’intérêt pour les idées, les partis et les leaders populistes, peut-on vraiment parler du populisme comme un phénomène caractéristique de notre temps ? Pas vraiment. Le populisme est une idéologie fixe qui existait en dehors des cadres de nos sociétés actuelles : il faut garder à l’esprit que chaque époque a connu ses leaders populistes. L’idée que nous nous engageons dans une voie populiste est une interprétation alarmiste et disproportionnée de la réalité.

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