CINÉMA

« Tombé du ciel » : c’est une blague ?

Dans Tombé du ciel de Wissam Charaf, bienvenue au Liban d’après-guerre et vous allez vous régaler !

Mais qui est donc cet homme qui apparaît ainsi au tout début du film et se fait embarquer par quatre hommes ? Le messie ? Un revenant ? On est au Liban mais il neige. Wissam Charaf donne le ton dès le départ : ceci est un objet cinématographique d’un délicieux burlesque, presque une fable.

Samir est un ancien milicien que sa famille et ses proches pensaient mort pendant la guerre du Liban. 20 ans plus tard, il réapparaît dans la vie de son petit frère Omar. Ce dernier était encore adolescent à l’époque, il est désormais garde du corps à Beyrouth, travaillant pour des boîtes de nuit ou encore une starlette qui se lance en politique. En deux décennies, le Liban a énormément changé. Samir se retrouve confronté à un pays qu’il ne reconnaît plus et qui ne lui appartient plus.

On ne saura ni pourquoi Samir a disparu ni pourquoi il est réapparu. Métaphore d’un éternel retour ? Mais de quoi ? Rien de frontal dans ce film. Wissam Charaf choisit l’humour et le Liban comme cadre. Vingt ans après, des starlettes se lancent en politique, tous les anciens gros bras se sont reconvertis professionnellement en devenant garde du corps. La guerre est toujours un peu là, sous forme de gag. Omar sauve la vie de la starlette qu’il devait protéger. Comment le remercie-t-elle ? Elle lui offre un bazooka. Le voisin d’Omar regarde la télévision toute la journée en laissant les fenêtres ouvertes, ça le fatigue. Le bazooka finit par servir. Des gardes du corps morts sont alignés sur des brancards, on les a recouvert de draps blancs mais leurs lunettes noires sont toujours bien vissées à leurs têtes au dessus du drap même. L’humour dans le détail. Un ami d’Omar veut apprendre l’allemand, il lui dit ironiquement de lire Mein Kampf. Son ami le prend au mot. Le père des deux frères a perdu la tête et répète en boucle des passages de l’histoire du Liban. Des gags construits autour de personnages attachants et burlesques. Mais qu’est-ce qui ne va pas avec tout ce petit monde ? Il semble que l’après-guerre ait laissé tous les survivants dans un état second.

Ce film vous fera sourire, rire, vous surprendra et piquera votre curiosité. Il pose des questions, mais n’y répond jamais vraiment. À vous de voir et d’interpréter. Une succession de petits sketchs avec comme fil conducteur Samir qui redécouvre son pays changé. Samir, l’homme mystère dont on ne saura jamais rien. Mais les balles ne l’atteignent pas ? Il est donc immortel. Qu’incarne-t-il ? À vous de décider. Le film se clôt sur une scène similaire à celle sur laquelle il s’est ouverte : Samir atterrit quelque part – cette fois il fait beau – avant d’être emmené par quatre hommes. Un bijou absurde.

Secrétaire générale de la rédaction du magazine Maze. Provinciale provençale étudiante à Sciences Po Paris. Expatriée à la Missouri School of Journalism pour un an. astrig@maze.fr

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