ARTMUSIQUE

Sandra Vérine dessine au rythme de la musique

La journée, Sandra Vérine dessine dans la galerie-atelier En traits libres qu’elle a intégrée en 2009. La nuit, elle emporte son stylo et ses feuilles pour écumer les salles de concert montpelliéraines. Quand les lumières s’éteignent, que les musiciens montent sur scène et que les amplis s’allument, son stylo commence à s’agiter sur sa feuille.

Dans l’obscurité des salles, elle s’éclaire le plus souvent à la lumière des spots. Placée à quelques mètres du devant de la scène, elle observe, assise sur son « siège de mémé », comme elle aime l’appeler. Pourtant, elle n’a que 42 ans. Le stylo bien en main, elle essaye de capturer le mouvement des musiciens avec son trait nerveux, suivant le rythme de la musique et de la lumière. «  Il y a un rapport assez direct de l’œil et la main. C’est quelque chose de très automatique. » Le plus souvent, elle dessine la scène dans son intégralité. Sur son papier prennent forme des guitares, des chevelures affalées sur un micro, des batteurs cachés qui habitent le fond de scène. Parfois, comme un photographe, elle change d’angle et se focalise sur les machines ou la foule. « Par contre, ce que je regrette c’est que je peux moins danser, du coup », sourit-elle. Son stylo se charge des pas de danse. « Parfois j’essaye donc de dessiner plus vite pour me garder une ou deux chansons afin de me défouler. »

Elle qui dessine « depuis toujours » n’a commencé le dessin de concert qu’il y a une dizaine d’années. « Pendant un concert de jazz, je crois  », hasarde-t-elle. Cette nouvelle passion est née des performances live dans les festivals de musique, des dessinateurs d’affiches de concerts mais aussi de sa rencontre avec des dessinateurs de concerts, croisés lors de soirées passées à écumer les salles de Montpellier. Notamment le Blacksheep, le Blackout, le Rockstore ou encore le Mat, le lieu qu’elle préfère. « J’ai toujours aimé découvrir des groupes pas connus », raconte l’artiste. Guidée par son amour du rock alternatif, c’est dans ces petites salles qu’elle se sent chez elle.  « Si je dessine des concerts, c’est que ça a du sens derrière, confie-t-elle, en tapotant ses lunettes noires. Le live me fait de l’effet, ça a changé ma vie, ça transmet quelque chose de vivant. » En conciliant ses passions, elle apprend à dessiner plus vite, à optimiser son coup de crayon.

nouvelle_image__631518Trotski Nautique, le 31 janvier 2014 à Angoulême – © Sandra Vérine

De la photo aux stylos

Née dans une famille française à New York, Sandra Vérine se rend chaque été à Montpellier pendant son enfance. A 18 ans, elle y déménage définitivement. Un vrai départ pour sa vie d’artiste. Elle se consacre d’abord à la photo, qu’elle pratique pendant 10 ans, en parallèle à ses études en histoire de l’art et cinéma. « J’avais commencé une thèse mais à ce moment-là j’ai découvert l’atelier En traits libres  », raconte-t-elle. Elle décide alors d’arrêter ses études pour se consacrer pleinement à son travail en atelier. « Je regrette un peu aujourd’hui, j’aime bien la théorie. » En autodidacte, elle troque alors temporairement son appareil photo pour les crayons, portée par l’énergie de la dizaine de dessinateurs qui évoluent au sein de l’atelier. « Je pense qu’on est influençables ». Elle y dessine des portraits, des boucles en série. Malgré ce changement, la photo ne la quittera pas totalement. Elle influencera même son travail sur papier. « Ça joue sur le cadrage, la manière de me déplacer, la composition, mon travail sur la lumière. »

Aujourd’hui, elle ne se voit pas passer une semaine sans dessiner en concert. «  Pourtant, ce que je fais est dur  », insiste-t-elle. Elle s’arrête un instant et rigole. « Je ne veux pas m’envoyer des fleurs hein, c’est juste que ce n’est pas toujours facile », sourit-elle.  « Quand je n’aime pas les groupes qui passent par exemple, c’est très dur de bien les dessiner. » Autre difficulté, la lumière. « A Paloma, au concert de Soft Moon, la lumière était complètement stroboscopique, ça pétait les yeux, c’était affreux. Mais j’ai tenu et j’ai réussi à transformer une contrainte en un exercice plutôt drôle », raconte-t-elle avec une pointe de fierté non dissimulée.

Passionnée de musique, elle n’écarte pas non plus l’idée d’un jour passer de l’autre côté du micro. « Matt Konture, mon compagnon qui joue dans un groupe, veut me transformer en rockstar, plaisante-t-elle, en le regardant à travers la vitre de l’atelier. Il aime bien les voix non professionnelles. J’improvise et je me retrouve sur des cassettes. Là, j’ai fait une compo avec sa fille Alice. On va certainement faire un album tous les trois. » Même si cela lui fait peur, elle troquera peut-être un jour son stylo pour un micro.

Du 9 octobre au 31 décembre, retrouvez son exposition à la galerie Carborundum, à Sauve (30). Vernissage le 8 octobre. Galerie-atelier En traits libres, 2 rue Bayle, Montpellier. Dessins à retrouver par ici.


Crédits photo : Micaël Reynaud

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